|
1 APPARTEMENT DE JILLIE
Jillie Perkins sort de
l'ascenseur de Garden View en titubant. Vêtue d'un tailleur gris, elle a les
cheveux ébouriffés, et sa chemise blanche dépasse un peu de sa jupe. Devant
la porte de son appartement, elle cherche sa clé dans son sac à main en
bandoulière. Après l'avoir sortie, elle la regarde bizarrement en pouffant,
puis tente de faire entrer la clé dans la serrure. Elle continue à pouffer.
Elle est ivre. Enfin, elle ouvre la porte et entre. Elle jette son attaché-case
et son sac à main sur le canapé et va à la cuisine. Elle prend une bouteille
de vodka dans un placard et se verse un grand verre. Elle boit une gorgée du
liquide, appréciant visiblement. Elle retourne ensuite au petit salon avec son
verre à la main. Elle donne un coup de pied en l'air et sa chaussure vole pour
atterrir de l'autre côté de la pièce. Elle fait de même avec l'autre pied.
Elle continue à tituber et va jusqu'au miroir situé à gauche de la porte
d'entrée. Elle se regarde. Ses yeux sont vitreux. Elle lève son verre.
JILLIE: Je porte un toast. A cette chère Lacey Calvin. Puisses-tu griller en
enfer jusqu'à la fin de ta vie.
Elle boit une nouvelle gorgée,
puis pouffe à nouveau. Des gouttes de sueur perlent sur son front. Elle a chaud
et décide d'aller prendre l'air sur son balcon. Soudain, elle trébuche et
tombe. Le verre lui échappe des mains et se casse. Elle prend appui sur le sol
pour se relever. Soudain, elle se retourne et découvre sur quoi elle a buté.
Ses yeux s'agrandissent par la surprise, puis la terreur. A côté d'elle se
trouve Gil, inanimé sur le sol, un filet de sang qui coule de ses lèvres.
Jillie se retourne. Derrière elle, la balustrade. Elle s'y cramponne de toutes
ses forces, se lève et se penche sur la balustrade. Là, elle vomit dans le
vide.
GéNéRIQUE DE DéBUT
2 HÔPITAL CENTRAL DE GARDEN PLACE
L'ambulance fait crisser
ses pneus, tous gyrophares allumés. Les deux battants de la porte de l'entrée
s'ouvrent avec fracas. Gil est sur un brancard, avec un masque à oxygène sur
le visage.
AMBULANCIER : Homme de race blanche d'environ trente ans. Il s'appelle Gil
Chabert et réside à Garden View. On l'a retrouvé inanimé sur le balcon d'une
locataire. On suppose qu'il est tombé du balcon situé juste au-dessus de
l'appartement, et qui est moins profond que l'autre. La personne qui nous a
appelés n'est pas claire.
UN DOCTEUR : Que voulez-vous dire ?
AMBULANCIER : Elle a dû ingurgiter une sacrée dose de vodka.
L'AUTRE DOCTEUR : J'ai peur que la rate ne soit touchée. On l'emmène au bloc
immédiatement. Préparer une perf de deux...
3
à L' UNECAIN
Dans le couloir, Mlle
Judical semble chercher quelqu'un. Elle aperçoit alors Menley et Lacey en
conversation, près de la machine à café. Les deux femmes tiennent un gobelet
en plastique dans la main.
MENLEY : Et bien, cette journée n'a finalement pas été aussi mauvaise. Je suis quand même contente d'en avoir fini. Je n'ai qu'une hâte, c'est rentrer chez moi et me faire couler un bon bain.
Mlle Judical s'approche
d'elles.
MLLE JUDICAL : Ah, Menley. Vous n'auriez pas vu Nanne, par hasard ?
MENLEY : Non, pourquoi ?
MLLE JUDICAL : La section maternelle ne l'a pas vue de la journée. Ca ne lui
ressemble pas de s'absenter sans prévenir.
Un homme arrive. Il s'agit
de George Francis. Il a dû entendre la conversation puisqu'il dit :
GEORGE : Oui, et Gil Chabert non plus n'était pas là aujourd'hui.
MLLE JUDICAL : Que voulez-vous dire ?
GEORGE : Simplement qu'il n'était pas là aujourd'hui. J'ai été obligé de le
remplacer et croyez-moi, je suis crevé.
George quitte les trois
femmes.
MLLE JUDICAL : Mais c'est insensé. Qu'est-ce que tout cela signifie ?
Lacey se racle la gorge. Ce
qui semble agacer Mlle Judical.
MLLE JUDICAL : Ecoutez Lacey, si vous avez quelque chose à dire, dites-le et ne
tournez pas autour du pot.
Pas de réponse.
MLLE JUDICAL : Est-ce qu'il y a un problème avec Nanne et Gil ?
LACEY : Désolée, Mlle. Je ne tourne jamais autour du pot et je vous dis que
j'ai décidé de ne plus me mêler de la vie privée des gens, comme vous me
l'avez d'ailleurs si gentiment demandé samedi dernier. Sur ce, j'ai encore
plusieurs courses à faire avant de rentrer…
Elle se tourne vers Menley
… Je te vois ce soir ?
Menley hoche la tête et
Lacey quitte les deux femmes.
MLLE JUDICAL : Cette Lacey n'en fait décidément qu'à sa tête.
MENLEY : Moi, je la trouve très gentille.
La conversation est
interrompue par Ursula Fortner, la secrétaire de Mlle Judical, qui court dans
le couloir. Ses talons hauts n'étant pas appropriés pour ce genre d'exercice,
elle court à petits pas pour rejoindre Menley et Mlle Judical.
URSULA : Mlle Judical ! Mlle Judical !
Ursula arrive près d'elles,
hors d'haleine.
MLLE JUDICAL : Ursula, combien de fois vous ai-je répété de ne pas courir
dans les couloirs. Vous allez faire des marques sur le parquet. Et en plus vous
donnez le mauvais exemple aux élèves.
URSULA : Mais Mlle Judical. Je viens de recevoir un appel de l'hôpital. C'est
Gil Chabert. Il vient d'être transporté d'urgence.
MLLE JUDICAL : Est-ce qu'ils vous ont dit ce qu'il a ?
URSULA : Non, mais d'après ce que j'ai compris, c'est très grave.
MLLE JUDICAL : J'y vais tout de suite.
MENLEY : Je viens avec vous.
4 DANS LA SALLE D'ATTENTE DE HÔPITAL CENTRAL DE GARDEN PLACE
Jillie est affalée sur
une chaise. Mlle Judical est à côté d'elle. Deux hommes sont debouts, un peu
plus loin. Menley arrive avec un verre en plastique et le tend à Mlle Judical,
qui lui sourit tristement. La jeune femme s'assoit à côté d'elle. Lacey
arrive en courant. Elle rejoint les trois femmes. Menley se lève dès qu'elle
aperçoit Lacey. Les deux hommes s'approchent des femmes.
LACEY : Menley. Je viens juste d'avoir ton message sur mon répondeur. Je suis
venue aussi vite que possible. Mais que s'est-il passé ?
Un des deux hommes prend la
parole.
INSPECTEUR FOLLET : C'est ce que nous cherchons à savoir… Je suis
l'inspecteur Follet. Et voici mon coéquipier, le sergent Track.
LACEY : Je m'appelle Lacey Calvin. J'habite à Garden View.
INSPECTEUR FOLLET : Je suppose que vous connaissez bien la victime.
LACEY : C'est un ami.
SERGENT TRACK : Mlle, nous aimerions vous poser quelques questions. Nous
aimerions tout d'abord savoir dans quel état d'esprit se trouvait M. Chabert
ces derniers jours. Etait-il déprimé ?
LACEY : Vous pensez à un suicide ? Oh, non. Pas Gil. C'est impossible. Pas lui.
INSPECTEUR FOLLET : Et parlez-nous de Nanne Bolevino.
LACEY : Nanne ? Mais que vient-elle faire dans cette histoire ?
Menley s'avance vers Lacey.
MENLEY : Lacey, écoute. On a retrouvé Gil sur le balcon de Jillie. On suppose
qu'il est tombé du balcon de Nanne.
LACEY : Oh, mon dieu ! Je croyais Jason capable de tout, mais pas de ça.
INSPECTEUR FOLLET : Expliquez-vous.
LACEY : Ce matin, Gil m'a raconté que Jason a forcé Nanne à sortir avec un
type. Un certain Trench, je crois. C'est le directeur de " TC Inc. ".
C'était pour qu'il décroche un rôle. La soirée s'est mal terminée. Trench a
failli violer Nanne, et Gil est arrivé à temps pour l'en empêcher.
MENLEY : Oh, Seigneur. Pauvre Nanne.
FOLLET : C'est la dernière fois que vous avez vue M. Chabert ?
LACEY : Oui. Ce matin, après m'avoir raconté cette histoire, il a aperçut
Nanne et il est parti la rejoindre. C'est tout ce que je sais.
FOLLET : Et Mlle Bolevino ? Vous ne l'avez plus revue ?
LACEY : Non, mais au fait. Ou est-elle ?
FOLLET : Ca, nous aimerions bien le savoir, Mlle.
Follet fait un signe à Track. Il se dirige vers le comptoir de la réception,
laissant Lacey et les autres. Track le rejoint. Follet s'accoude au comptoir.
FOLLET : Qu'en penses-tu ?
TRACK : Crime passionnel. Une femme éprise de passion pour deux hommes. Le coup
classique. Ces affaires se terminent toujours mal.
FOLLET : Ouais. Appelle la brigade. Qu'on lance un avis de recherche. Il faut
retrouver les deux tourtereaux. Ce sont eux qui ont les clés de cette affaire.
Jillie, qui n'avait pas
quitté sa chaise jusqu'à présent, se lève. Les yeux dans le vide. Elle se
dirige vers la sortie. Menley la regarde.
MENLEY : Jillie, où vas-tu ?
JILLIE : Je rentre. Je ne serai de toute façon d'aucune utilité à ces
messieurs.
Elle montre du doigt les
deux policiers.
LACEY : Ouais, c'est ça ! Dis plutôt que tu t'en vas parce qu'on ne distribue
pas de digestif dans la machine à café.
Jillie ignore la remarque et
part.
MLLE JUDICAL : J'espère que les journalistes n'ont pas été prévenus. Si
jamais ils viennent, il faudra bien peser nos mots. Après tout, rien nous
prouve qu'il s'agit d'un homicide. Il faut impérativement dire que c'était un
accident. Il en va de la réputation de l'Unecain.
Lacey lui lance un regard
plein de reproches.
LACEY : Gil est en train de se battre contre la mort en ce moment. Nanne a
disparu on ne sait où... Et vous, tout ce qui vous intéresse, tout ce à quoi
vous pensez, c'est la réputation de votre foutue école.
MENLEY : Lacey, voyons.
Mlle Judical se retourne
vivement et fait face à Lacey.
MLLE JUDICAL : Je vous prie de bien vouloir modérer votre langage, Mlle Calvin.
Cette foutue école, comme vous l'appelez, vous fait vivre. Elle paye votre
exorbitant loyer, vos habits aux couleurs plus que douteuses, et vous donne à
manger plus qu'il n'en faut. Alors, il est peut-être normal que je me préoccupe
de cette foutue école. Parce qu'un foutu scandale peut tout faire basculer.
Une porte à deux battants
s'ouvre et un médecin en blouse verte apparaît. Il enlève son bonnet vert. Il
s'agit du docteur Kirios, un homme d'un certain âge. Il entre dans la salle
d'attente. Mlle Judical se retourne et lui fait face. Les deux policiers
retournent dans la salle.
MLLE JUDICAL : Docteur Kirios, comment va-t-il ?
KIRIOS : Pour être franc avec vous, Alice, ce n'est pas la grande forme. Nous
lui avons enlevé la rate. Elle était totalement éclatée. Gil a perdu
beaucoup de sang. Apparemment, il serait tombé en début de matinée, je
suppose. Et pour couronner le tout, il souffrait d'une hémorragie.
MENLEY : Est-ce qu'il est sorti d'affaire ?
KIRIOS : Les 24 prochaines heures seront critiques. Mais Gil a une très bonne
consistance. J'ai bon espoir.
Menley se met en retrait.
Lacey la rejoint.
LACEY : C'est plutôt encourageant, non ?
MENLEY : Oui. Mais je ne peux m'empêcher de penser à Nanne. Où peut-elle bien
être ?
5
DANS LA CAMIONNETTE DE JASON
Jason conduit,Nanne à
ses côtés. Elle observe Jason, l'air hébété. Jason est agacé par son
regard.
JASON : Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? Ne me regarde pas comme ça, c'était la
seule solution, tu le sais bien.
NANNE : J'ai faim. Je n'ai rien mangé depuis hier.
6
DANS UN FAST FOOD
Nanne et Jason occupent
une table. Ils sont seuls dans le restaurant. A droite : un comptoir avec juste
un homme assis sur un tabouret. A gauche, une rangée de tables et chaises, à côté
des fenêtres. Nanne mange un hamburger avec appétit.
JASON : Ca y est ? Tu as l'estomac remplie, maintenant ?
Nanne s'essuie la bouche
avec une serviette.
NANNE : Jason, il faut que j'aille aux toilettes.
Jason soupire.
JASON : Très bien, très bien.
Nanne se lève, mais Jason lui prend
le bras pour la retenir.
JASON : Mais je te préviens, tiens-toi à carreau. Je t'ai à l'œil.
Jason lâche la main de
Nanne. Elle entre dans la pièce servant de toilette. Soudain, tous ses muscles
semblent se décontracter. Elle s'appuie sur le lavabo à l'aide de ses mains et
respire très fort, comme si la tension accumulée se relâchait. Elle se
regarde dans le miroir et voit, derrière elle, un téléphone. Elle se retourne
brusquement et se dirige avec hâte vers le récepteur. Elle plonge fébrilement
sa main dans son sac, à la recherche d'une pièce, qu'elle trouve au bout de
quelques secondes. Tremblante, elle introduit la pièce dans la fente et compose
un numéro. Il sonne occupé. Elle raccroche, récupère la pièce et respire très
fort. Elle fait un nouvel essai. Cette fois, le téléphone sonne.
NANNE
(murmurant) : Merci, seigneur…. Répondez…. Je vous en prie.
Au bout de la quatrième sonnerie, quelqu'un répond.
FLORA : Suite de Mlle Judical, Garden View.
NANNE : Flora, c'est Nanne.
FLORA : Nanne, ma chérie. On te cherche depuis des heures…
NANNE : Ecoutez-moi bien, Flora…
FLORA : Nanne, mais où es-tu ?
NANNE : Flora, écoutez-moi. J'ai de gros problèmes. Je…
Une main, celle de Jason, se
pose sur le récepteur, pour couper la communication.
JASON : Tu n'aurais jamais dû faire ça, ma caille.
7
L'APPARTEMENT DES LAYTON
A la cuisine, Frank
regarde par la fenêtre. Beth entre et regarde Frank un instant, immobile, puis
va prendre une bouteille de lait dans le réfrigérateur.
BETH : Des nouvelles de Nanne ?
FRANK : Mmmm…
Il n'écoute pas sa femme.
Beth lève la main, voulant dire quelque chose, puis la baisse.
BETH : Non, rien. Rien du tout.
Elle s'assoit à la table
ronde, pose son verre de lait sur la table et déplie le journal, qu'elle
commence à lire, tout en jetant un coup d'œil à Frank. Ce dernier sursaute.
Il vient de voir une BMW se garer près de la chaussée. Il pivote et se dirige
vers la porte.
FRANK : Il faut que j'aille faire un tour.
BETH : A cette heure ? Tu sais qu'on dîne dans une demi-heure. J'ai commandé
une pizza.
Frank est dans le vestibule
rond. Il met sa veste. Il crie à Beth, qui est toujours dans cuisine.
FRANK : Je n'en ai pas pour longtemps.
L'air intrigué, Beth se lève
et va regarder par la fenêtre. Elle voit Menley qui sort de la BMW et se dirige
dans l'allée de Garden View. Beth pince les lèvres.
BETH : Sale garce !
8
DANS LA CAMIONNETTE DE JASON
La camionnette s'arrête
au pied d'une maison. L'endroit est isolé et le crépuscule diffuse un
sentiment de malaise. La camionnette se trouve sur un terre-plein ravagé par
les herbes mortes. De nombreux arbres entourent ce terre-plein. La maison qui
lui fait face est moyennement grande. Elle est sur deux étages. Des escaliers mènent
à l'entrée. Sur toute la longueur de la maison : une terrasse. A droite de
l'entrée principale : quelques chaises et une petite table ronde et à gauche
de l'entrée : une balancelle.
NANNE : Jason, mais où sommes-nous ?
JASON : Bienvenue chez moi, ma caille d'amour.
NANNE : Chez toi ?
JASON : Oui, enfin… chez mes parents.
NANNE : Mais Jason ! Tu m'as dit que tes parents étaient morts il y a dix ans
dans un accident de voiture.
JASON : Si je t'ai dit ça, c'est parce que j'aurais bien aimé qu'il en soit
ainsi.
NANNE : Tu veux dire que tes parents sont toujours en vie… et habitent cette
maison ?
JASON : Seulement ma mère, et ça fait trois ans que je ne l'ai pas revue…
Il descend de la
camionnette, regarde un instant la maison, puis fait le tour de son véhicule
pour aller près de Nanne. Il ouvre la portière.
… Allez, viens.
Il prend Nanne par le bras
pour la forcer à descendre et l'emmène vers la maison. Ils montent ensemble
l'escalier de l'entrée. Les voici devant la grande porte d'entrée verte.
NANNE : Je crois qu'il n'y a personne… Jason, on ferait mieux de rentrer à
Garden View maintenant.
JASON : Bien sûr qu'il n'y a personne. On est mardi, et tous les mardis, ma mère est à son club de bridge. Ah, rien n'a changé, décidément. Mais heureusement pour
nous, ma caille…
Il sort de sa poche une clé
et la montre à Nanne.
… j'ai toujours ma clé.
Il introduit la clé dans la
serrure et c'est le moment que Nanne a jugé opportun pour fuir. Elle se précipite
vers les escaliers qu'elle dévale en un rien de temps. Surpris, Jason se
retourne et l'appelle :
JASON : Nanne ! ! !
Nanne court aussi vite que
possible, Jason à ses trousses. La jeune femme est maintenant à la lisière
d'une une forêt Elle se cogne à une branche, crie et reprend sa course. Une
autre branche écorche le visage de Nanne et lui déchire un morceau de sa jupe.
Tout en courant, elle jette un oeil par derrière elle pour voir la progression
de Jason. Le jeune homme se rapproche de plus en plus, Il réussit finalement à
l'attraper. Nanne pousse crie de désespoir.
9
MAISON DES PATRICK
Jason tient Nanne par le
bras et la pousse dans le vestibule, si fort qu'elle tombe sur le carrelage. Sa
jupe est déchirée et son visage marqué par une blessure à la joue gauche.
JASON : Mais qu'est-ce qui te prend ? Tu es devenue folle ou quoi ? Qu'est-ce
que tu cherches à faire ? Mais tu ne comprends donc pas que je fais tout ça
pour toi…
Il élève la voix jusqu'à
crier.
… tu ne comprends donc pas !
La peur au ventre, Nanne
sursaute. Des larmes coulent sur son visage. Elle est toujours à terre.
JASON : Je croyais pouvoir te faire confiance, Nanne. J'avais pensé que ta petite cervelle avait bien enregistré le fait qu'on soit tous les deux dans la mélasse la plus
complète. Si jamais on réapparaît à Garden View, on est
fichus, et tous les deux.
NANNE : Jason… qu'est-ce que tu comptes faire de moi ?
JASON : Je n'ai pas le choix, Nanne. Tu ne me laisses pas le choix.
Jason empoigne Nanne et
l'emmène vers la petite porte qui mène à la cave de la maison. Il fait noir
de l'autre côté de la porte. Il appuie sur l'interrupteur se trouvant sur sa
droite. Une simple ampoule, au plafond, s'allume et diffuse une lumière très
forte. Jason force Nanne à descendre les escaliers. A un certain endroit, ils
s'arrêtent.
JASON : Fais bien attention, il y a normalement une marche qui est cassée.
C'est pour ça que ma mère ne descend jamais ici. Tu verras, nous serons
tranquilles.
Avec précaution, ils
passent la marche cassée et arrivent dans la cave proprement dite. Partout dans
la pièce : des toiles d'araignées et de la poussière qui fait penser que
personne n'est venu là depuis très longtemps. Une immense pagaille règne dans
la cave. Des cartons sont éparpillés un peu partout. A droite, une vieille
armoire dont le battant droit est cassé et sur la gauche, des chaises empilés
les unes sur les autres. Au fond de la cave, un mur en briques de couleur brune.
Jason tient toujours Nanne par le bras.
JASON : Cet endroit me rappelle un tas de bons souvenirs, tu sais. C'est ici que
moi et mon frère nous passions nos journées lorsqu'il pleuvait. Maman n'était
jamais très contente de nous savoir ici, car nous remontions toujours couverts
de poussière…
Il lâche Nanne et se dirige
vers les chaises empilées, qu'il regarde.
… on plaçait les chaises de façon à faire un public et on s'amusait à créer
des pièces de théâtre. Mon frère était spectateur, et moi, bien sûr,
acteur…
Il regarde Nanne
… j'étais déjà très bon à l'époque, tu sais.
Nanne, les cheveux ébouriffés
et le visage sale, ne dit pas un mot.
JASON : Cette pièce a une petite particularité, ma chère Nanne. Mon père était
un peu parano et excentrique sur les bords. Lorsqu'il a construit cette baraque,
il a fait faire une sorte de refuge secret.
Il se dirige vers le fond de
la pièce, là où se trouve le mur de briques. Il tâte les briques et,
souriant, tire délicatement une brique, pour la retirer du mur. On voit alors
à la place le vrai mur en béton, avec une serrure. Jason se dirige vers la
vieille armoire. Il sort un tiroir de sa coulisse et le renverse. Au dos,
accroché par un adhésif, se trouve une grande clé. Il la détache et retourne
devant la serrure. Il introduit la clé à l'intérieur et la fait tourner.
Jason tire sur la clé, toujours dans la serrure et une porte, dans
l'encadrement des briques, s'ouvre. Jason tend la main vers Nanne, faisant ainsi
signe de se rapprocher. Nanne ne bouge pas. Elle est pétrifiée de terreur.
Jason soupire et va vers elle. Il l'empoigne et l'emmène vers la porte. Ils
entrent dans l'abri. Jason presse un interrupteur. Une ampoule accrochée au
plafond s'allume. La pièce est disposée comme une chambre. En face de l'entrée
: un grand lit. Deux tables de chevet sur les côtés. A droite, un lavabo et un
WC et à gauche, une armoire.
JASON : C'était l'endroit privé de mon père. Et oui… mon père était un incorrigible séducteur… Il était aussi un peu pervers sur les bords. C'est ici qu'il emmenait toutes ses conquêtes… jusqu'au jour où ma mère a tout découvert. Elle a demandé tout de suite le divorce. Mon vieux ne s'est pas fait prier. Il est parti et je n'ai plus jamais entendu parler de lui.
Jason regarde Nanne et lui
sourit.
JASON : Bienvenue dans ta nouvelle maison, ma caille.
Il sort de la pièce et
commence à refermer la porte.
NANNE : Jason. Non, je t'en prie, ne me laisse pas… Jason !
Jason s'arrête un instant.
JASON : Ah, au fait. Inutile de crier. Tu penses bien que mon père s'est arrangé
pour rendre cet endroit paradisiaque tout à fait insonorisé.
Cette fois, il ferme la
porte. Nanne frappe sur le pan du mur qui vient de se refermer.
NANNE : Jason ! ! !
De l'autre côté, Jason
tourne la clé dans la serrure. Il retire la clé, la regarde et sourit.
JASON : Bonne nuit, ma caille.
Jason est maintenant dans la
cuisine de la maison. Il prend le combiné téléphonique accroché au mur et
compose un numéro.
10
AU BUREAU "RJ AGENCE"
La pièce est petite et en désordre. Au fond se trouve un bureau encombré de papiers volants. Le papier peint des murs de la pièce est sale et se décolle. A gauche, une
vieille armoire en bois. Derrière le bureau, assis sur une chaise, un homme
d'environ 40 ans, blond avec une barbe naissante de la même couleur. Il s'agit
de Ricky Jordan, agent artistique. Le téléphone noir de style ancien, placé
sur la droite de Ricky, sonne. Ricky décroche.
RICKY : Ouais… Ricky Jordan.
JASON : Ricky, c'est moi.
RICKY : Bon sang, Jason. Mais où est-ce que tu traînes tes guêtres ? Je te
cherche partout depuis des heures !
JASON : Ecoute, Ricky. Je suis dans une merde pas croyable. Il faut que tu me
sortes de là.
RICKY : Qu'est-ce qui se passe encore ?
JASON : J'ai pas le temps de t'expliquer. Est-ce que les flics sont déjà venus
te voir ?
RICKY : Les flics ! Bon sang, Jason. J'ai pas envie d'avoir des problèmes.
JASON : Ricky, tu dois m'aider, compris ?
RICKY : Oublie-moi, tu veux ?
JASON : Non, Ricky. T'as plutôt intérêt à me filer un coup de main. Sinon,
je n'aurai plus rien à perdre et je raconte tout aux flics… Tu sais, au sujet
du crack que tu refiles à tes bons clients.
Un instant de silence.
RICKY : D'accord, d'accord. Qu'est-ce que je dois faire ?
JASON : Je préfère ça. Alors écoute-moi bien...
11
A GARDEN VIEW
Menley se trouve dans
l'ascenseur. Elle arrive à son étage. La porte s'ouvre et Frank se trouve
juste sur le seuil. Menley appuie rapidement sur le bouton à côté duquel il
est inscrit le chiffre zéro, de sorte qu'elle fait croire qu'elle souhaite
redescendre. Les deux battants de la porte de l'ascenseur se referment, mais
Frank les retient violemment. La porte se rouvre automatiquement.
FRANK : Menley, je t'en prie. Il faut qu'on parle.
MENLEY : Je n'ai plus rien à te dire, Frank. Fiche-moi la paix.
Elle appuie à nouveau sur
le bouton... Et à nouveau la porte se referme... Et à nouveau Frank la bloque.
FRANK : Menley, voyons. Tu ne pourras pas m'éviter jusqu'à la fin des temps.
Je te demande juste cinq minutes, pas une de plus…
Un instant de silence, puis
Frank reprend.
… je t'en prie.
Sans dire un mot, Menley
sort de l'ascenseur, passe devant Frank. Elle se dirige vers la porte d'entrée
de son appartement et l'ouvre à l'aide de sa clé. Elle entre et ne ferme pas
la porte. Frank en profite alors pour la suivre et entre dans l'appartement à
son tour.
MENLEY : Je te préviens. Tu n'as que cinq minutes.
FRANK : Comment va Gil ?
MENLEY : Aussi bien que possible. Téléphone donc à l'hôpital, si tu veux
savoir.
FRANK : Menley, arrête d'être toujours sur la défensive.
MENLEY : Tu ne crois pas que j'ai des raisons de l'être ? J'ai passé l'été
le plus merveilleux avec un homme qui m'a promis monts et merveilles. Ensuite il
me plaque avec une vulgaire lettre ; et je le retrouve quelques jours plus tard
en apprenant qu'il est marié, chose qu'il m'avait bien évidemment caché.
FRANK : Je n'ai aucune excuse, je le sais. Mais je veux que tu saches… Menley,
l'été que j'ai passé avec toi en Europe a été vraiment le plus heureux de
toute mon existence. Lorsque je suis reparti avec toi pour New York, je pensais
pouvoir recommencer une nouvelle vie avec toi.
Menley s'assoit sur la
petite marche, au fond de la pièce, qui mène vers l'autre couloir, pendant que
Frank poursuit son récit.
… Combien de fois je voulais t'avouer qu'en fait j'étais marié. Je ne m'y
suis jamais résolu. Je suis lâche, sans doute. J'ai réalisé que notre union
était basée sur un mensonge : le mien. J'ai préféré partir pour mettre les
choses au point avec Beth. Menley, ça fait très longtemps que notre mariage ne
marche plus. Si je suis reparti à Garden Place, c'était uniquement pour
demander le divorce, pour me libérer de ce mariage qui m'oppresse de plus en
plus. Une fois le divorce prononcé, je serai revenu.
Menley se lève, un regard
plein de reproches.
MENLEY : Oh, je t'en prie. La lettre que tu m'as laissée était une lettre
d'adieu, pas une lettre d'au revoir.
FRANK : Peut-être que oui. Sur le coup, j'ai cru que te quitter était la
meilleure solution. Mais une fois dans l'avion, je me suis fait la promesse de
revenir à New York et tout te raconter une fois le divorce prononcé.
Crois-moi, Menley. C'est la vérité. Vivre sans toi me paraissait
insupportable. Me paraît insupportable encore maintenant…
Il prend Menley par les épaules.
… Je t'aime Menley. Et je sais que tu m'aime aussi.
Menley se dégage, et marche
vers canapé. Elle parle d'une voix calme.
MENLEY : Les choses ont changé, Frank. Je ne sais plus où j'en suis. Pendant
ces mois passés avec toi, je croyais te connaître. Et j'apprends alors des
choses que j'ignorais à ton sujet... C'est terminé Frank.
FRANK : Menley, pourquoi tout doit se terminer comme ça ? On est fait pour
vivre ensemble.
MENLEY : Si on se remet ensemble, à chaque fois que je vais te regarder, à
chaque fois que tu me serreras dans tes bras, que tu me feras l'amour… je me
demanderai ce que tu peux encore me cacher. Une part de moi ne pourra jamais
s'empêcher de dire : " mais tu ne connais pas cet homme, ce n'est pas lui
que tu as rencontré cet été en Europe. "
Des larmes coulent sur les
joues de Menley, puis elle reprend :
… divorce d'avec Beth si tu veux, mais ne le fais pas à cause de moi. Ne te sers pas de moi comme prétexte à l'échec de ton mariage. Parce que nous deux, ça ne pourra
jamais marcher… Jamais. Il faut que tu partes, maintenant. J'ai
pas mal de choses à faire encore.
Lentement, Frank se dirige
vers la sortie. Près de la porte, il se retourne.
FRANK : J'ai déjà demandé le divorce à Beth. Ce n'est plus qu'une question
de temps, maintenant.
12
DANS L'APPARTEMENT DE TIM
Beth et Tim sont dans un
grand lit. Beth tient un verre de champagne d'une main, et la bouteille de
l'autre. Elle verse du champagne à Tim.
BETH : S'il s'imagine que je vais accepter sa demande de divorce, il se met le
doigt dans l'œil.
TIM : Je n'arrive pas à te comprendre. C'est vrai ! Ton mariage est fichu, et
toi tu lui refuse le divorce…. A moins que tu penses qu'il n'est pas fichu…
BETH : Mais non, ce n'est pas ça, voyons. Mon mariage est à l'eau, c'est
clair.
TIM : Alors pourquoi tu t'entête à vouloir lui mettre des bâtons dans les
roues ?
BETH : La seule chose que Frank souhaite, c'est divorcer. Et moi, la seule chose
que je souhaite, c'est le voir malheureux.
TIM : C'est une forme de vengeance, si j'ai bien compris.
Beth a le regard dans le
vide lorsqu'elle dit ceci :
BETH : Ouais, on peut appeler ça une vengeance.
TIM : Mais qu'est-ce qu'il a bien pu te faire pour que tu le détestes à ce
point ? Et puis, peut-être qu'après tout, il s'en fiche de divorcer ou non.
BETH : Oh ça, je n'en suis pas si sûre. Vois-tu, quand Frank est parti en
Europe, il a rencontré une fille. Et je suis presque sûre que cette fille,
c'est Menley Weaver.
Tim, qui était en train
d'avaler une gorgée de son champagne, tousse. Il se redresse.
TIM : Menley ? !
13
DANS L'APPARTEMENT DE RICKY JORDAN
Ricky ouvre la porte
d'entrée.
RICKY : Ouais ?
L'inspecteur Follet et le
sergent Track se tiennent devant lui.
FOLLET : Ricky Jordan ?
RICKY : Ouais, qu'est-ce que vous me voulez ?
FOLLET : Inspecteur Follet. Et voici le sergent Track. Nous aimerions vous poser
quelques questions au sujet de Jason Patrick. Vous êtes son agent, n'est-ce pas
?
RICKY : Ouais, et alors ?
FOLLET : Savez-vous où se trouve Jason Patrick en ce moment ?
RICKY : Ouais, il est ici.
Follet et Track se
regardent, une lueur de surprise dans leurs yeux.
TRACK : Nous aimerions lui poser quelques questions. Pouvons-nous entrer ?
Ricky s'écarte pour laisser
passer les policiers. Son appartement est très petit, sale et désordonné. Les
deux policiers parcourent la pièce du regard. Au milieu : une petite table
ronde avec deux chaises en Formica. Sur la gauche, un buffet où est entassé de
nombreux bibelots et quelques revues, pêle-mêle. A droite, une vieille télé
et devant, deux fauteuils verts rapiécés. Ricky regarde vers la porte qui est
située près de la télévision. Il crie :
RICKY : Jason ! ! De la visite pour toi.
Jason arrive par la porte
ouverte. Il porte un gros sparadrap sur la tête. Follet s'approche de lui.
FOLLET : Jason Patrick ?
JASON : Oui, c'est moi.
FOLLET : Inspecteur Follet et Sergent Track, quatorzième division. Nous aimerions vous poser quelques questions. Tout d'abord, savez-vous où se trouve Nanne Bolevino
en ce moment ?
JASON : Nanne ? Je n'en sais rien. Normalement, à cette heure, elle doit être
chez elle. Mais pourquoi me demandez-vous cela ? Il n'est rien arrivé de fâcheux
à Nanne, j'espère.
FOLLET : Pourquoi dites-vous cela ?
JASON : Parce qu'un inspecteur de police vient me poser des questions sur Nanne.
Il est logique que je m'inquiète à son sujet.
FOLLET : M. Patrick, vous et Nanne vivez ensemble, non ?
JASON : Plus depuis ce matin, Monsieur.
FOLLET : Que voulez-vous dire ?
JASON : Nanne et moi nous sommes disputés, Monsieur. Elle m'a flanqué à la
porte de son appartement.
FOLLET : Ou étiez-vous ce matin, vers 9h30 ?
Jason regarde Ricky.
JASON : A l'agence " RJ ". Je revenais de l'appartement de Nanne.
FOLLET : Si vous m'expliquiez tout, dans l'ordre, et depuis le début.
JASON : Nanne et moi vivions ensemble depuis trois ans environ. La semaine dernière, j'ai appris que Nanne et Gil Chabert avaient eu une aventure. Gil me l'a avoué samedi soir dernier, au cours de la réception chez Mlle Judical. J'étais furieux, vous pensez bien. Je n'ai pas pu me contrôler et je l'ai frappé. Ensuite, Nanne et moi avons eu une longue conversation et je lui ai pardonné. Ce matin, j'étais sur le point de partir voir mon agent lorsque Nanne est revenue. Elle avait oublié un dossier pour son travail. Elle était avec Gil. Lorsque je l'ai vu, j'ai viré au rouge.
Jason raconte sa version de l'histoire.
Nous le voyons dans l'appartement de Nanne, près du canapé. Nanne est plus loin et, près de la porte : Gil.
JASON : Mais qu'est-ce qu'il fait ici, celui-là ? !
NANNE : Jason, ne t'énerve pas voyons. Je l'ai croisé dans le couloir. Il
m'attend pour m'accompagner à l'Unecain.
JASON : Ouais, c'est ça.
GIL : Laisse, Nanne. Nous n'avons aucun compte à lui rendre.
JASON : Espèce de…
NANNE : Allons, ça suffit vous deux. Arrêtez d'être toujours à couteaux tirés.
JASON (il regarde Gil)
: Je ne lui fait pas confiance. Ne t'approche plus de Nanne, je te préviens.
GIL : C'est à Nanne de décider qui elle veut voir.
JASON : Oh, je suis sûr que Nanne n'apprécierait pas de fréquenter quelqu'un
qui l'a trahit.
Jason regarde Nanne.
… Est-ce qu'il t'a parlé du dossier d'inscription à tes cours de création
littéraire ?
NANNE : Oui, Gil l'a déposé au centre de formation.
JASON : Vraiment ? C'est ce qu'il t'a dit ?
GIL : Espèce de salaud.
JASON : Il t'a menti. Il n'a jamais été au centre de formation. Il ne t'a pas
inscrit à ces cours. Il avait l'intention de te faire croire que tu n'avais pas
été choisie.
Nanne regarde Gil
NANNE : C'est vrai, Gil ?
Gil baisse les yeux.
GIL : Je ne voulais pas te faire de peine.
JASON : Dis-lui la vraie raison, Gil.
Jason regarde Nanne avant de
poursuivre.
… la vérité, Nanne, c'est qu'il sait que tu n'as aucun talent pour l'écriture.
Il voulait simplement te mettre dans son lit pour te consoler le jour où il
t'apprendrait que tu n'as pas été retenu.
GIL : Espèce de…
Gil fonce sur Jason et lui
donne un coup de poing. Nous revoyons alors la scène de la bagarre décrite
dans " Bienvenue à Garden Place ". Puis retour à la réalité, avec
Jason et les policiers.
JASON : Nous nous sommes battus comme des
chiffonniers. C'était pas beau à voir. Nanne nous a finalement séparés. Elle
était furieuse. Furieuse contre moi et contre Gil. Elle m'a demandé de partir.
Je n'ai pas demandé mon reste. J'ai pris quelques affaires et je suis allé
voir Ricky. Je lui ai demandé s'il voulait bien m'héberger chez lui quelques
temps. Inspecteur, est-ce qu'il s'est passé quelque chose de grave ? Je parie
que c'est ce cinglé de Gil qui a porté plainte contre moi, c'est ça ? Mais
vous pouvez voir qu'il m'a lui aussi amoché. Je n'ai rien à me reprocher.
Silence de quelques
secondes, puis :
FOLLET : Très bien, M. Patrick. Je vous demanderai de bien vouloir rester dans
le secteur, au cas où nous aurions encore quelques questions.
JASON : En fait, j'avais prévu d'aller séjourner chez ma mère quelques temps.
Elle habite dans la banlieue de Los Angeles. Ca fait plus de trois ans que je ne
l'ai pas vue.
Les deux inspecteurs s'en
vont. Jason referme la porte et pivote pour faire face à Ricky.
JASON : Ca mon vieux, ça mérite un Oscar !
14
AU COMMISSARIAT DE POLICE
Nous sommes dans le bureau de l'inspecteur Follet. Un bureau désordonné, avec peu de meubles, mais beaucoup de papiers sur sa table de travail. Une grande vitre sépare la pièce du reste du commissariat. Dans le bureau se trouve Follet, assis sur son fauteuil et les pieds sur la table, et Track qui est assis sur le bureau, en train de croquer une pomme.
FOLLET : Qu'est-ce que tu penses de ce jeune Patrick ?
TRACK : Son histoire tient la route. Pendant que tu parlais avec lui, j'ai
cuisiné son agent. Il a juré par tous les dieux que Jason est arrivé chez lui
à 9h00. Il venait juste d'ouvrir l'agence…
FOLLET : Ouais. Et le médecin affirme de Chabert est tombé après 9h30. Ca lui
donne un alibi en béton.
Une femme en uniforme entre
dans le bureau et referme la porte. Il s'agit de l'agent Susan Weitz.
SUSAN : Ah vous voilà vous deux. Je n'ai pas réussi à vous joindre tout à l'heure.
FOLLET : Quelque chose d'important ?
SUSAN Oui. Nanne Bolevino, que tout le monde cherche. Elle a appelé la dame de
compagnie de Mlle Judical.
Follet enlève ses pieds du bureau et se redresse brusquement.
FOLLET : Quoi ? Elle a dit où elle se trouvait ?
SUSAN : Non. Elle a simplement dit qu'elle avait un gros problème.
Follet et Track se
regardent. Susan quitte la pièce.
FOLLET : Qu'est-ce que tu en penses ?
TRACK : Il faut se rendre à l'évidence : tout tourne autour de Nanne Bolevino.
A chaque fois, on en revient à elle. Chabert est tombé du balcon de son
appartement ; d'après le jeune Patrick, elle était furieuse contre Gil ; et
alors qu'il agonise à l'hôpital, elle se sauve et disparaît. Je crois que
c'est elle qui a balancé Gil Chabert du balcon.
15
A L'HOPITAL
Mlle Judical est assise
sur une chaise de la salle d'attente, qui se trouve en face de la réception.
Kelly arrive. Elle se dirige vers la réception. Mlle Judical l'aperçoit et
l'interpelle..
MLLE JUDICAL : Kelly !
Kelly se retourne, fait un
signe à la réceptionniste et va vers Mlle Judical.
KELLY : Je n'ai pas cours avant 10h00 ce matin, et j'ai voulu prendre des
nouvelles de Gil. Comment va-t-il ?
MLLE JUDICAL : J'attends le docteur Kirios d'un instant à l'autre.
Le docteur fait son
apparition en sortant d'une autre pièce.
… justement le voilà. … Docteur ?
Le Dr Kirios a un faible
sourire.
KIRIOS : Gil a passé une nuit très agitée. Mais le plus dur est passé. Il va
s'en sortir.
Mlle Judical pousse un ouf
de soulagement.
KIRIOS : Sa condition physique de sportif l'a beaucoup aidé vous savez. Grâce
à ça, il va se remettre sur pied très vite.
MLLE JUDICAL : Merci mon Dieu.
KELLY : Est-ce qu'on peut le voir ?
KIRIOS : Il n'a pas encore repris conscience, mais vous pouvez aller le voir
juste quelques minutes.
16
A L'UNECAIN
Jillie marche le long
d'un couloir. Il y a de la moquette bleue au sol. Mallette à la main, elle se
trouve devant une porte vitrée. Elle respire à fond et pénètre dans la salle
de classe. Chacun des élèves se trouve devant un bureau de style moderne.
Jillie regarde les élèves. Puis elle monte sur l'estrade où se trouve son
propre bureau. Derrière ce bureau : un tableau électronique, et plus loin, un
autre tableau vert. Elle pose son attache case et regarde l'assistance.
JILLIE : Aujourd'hui, nous allons étudier la différence entre la monnaie
fiduciaire et la monnaie scripturale. La monnaie…
Flash. Deux images se
superposent : Jillie et l'image de Gil, inanimé sur le balcon. Jillie tente de
reprendre ses esprits.
JILLIE : La monnaie scripturale, comme son nom l'indique…
A nouveau les deux images se
superposent.
JILLIE : Je… la monnaie scripturale.
Siria Johnson, une des élèves,
observe Jillie.
JILLIE : Je… prenez vos livres à la page...
Jillie sort un livre de son
attaché-case. Elle est tellement nerveuse que le livre tombe. Siria observe la
scène.
SIRIA : Mlle. Vous allez bien ?
JILLIE : Oui, je… La monnaie… la monnaie.
Nouvelle superposition des
images (Jillie dans la salle de classe et Gil inanimé). Jillie regarde
l'assistance.
JILLIE : Je suis désolée. Je ne me sens pas très bien.
Elle se lève.
JILLIE : Siria, s'il te plaît. Pourrais-tu surveiller la classe ? Je dois
partir.
Puis Jillie quitte précipitamment
la pièce. L'assistance regarde la porte par laquelle Jillie vient de sortir.
Silence total.
17
AU CAFE " CHEZ BRONSKI
"
Jillie est au bar. Il y
a peu de monde. Elle est seule au comptoir. Le barman, homme grand avec une
moustache, la regarde. Il a une serviette autour du cou.
LE BARMAN : Je vous sers quelque chose, ma petite dame ?
JILLIE : Une vodka, s'il vous plaît.
18
LA MAISON DES PATRICK
Nous sommes dans la
cuisine. La mère de Jason, Mirna Patrick, s'attelle au founeau. Elle a environ
50 ans, brune, cheveux bouclé lui allant jusqu'au épaules. Visage rond. Elle
porte un tablier. Elle ouvre la porte du four et en sort un plateau de cookies.
Elle le pose sur la table lorsque la sonnette de la porte d'entrée se fait
entendre. Elle s'essuie les mains sur son tablier et va dans le vestibule. Elle
ouvre la porte d'entrée. Jason lui sourit.
JASON : Salut, M'man.
Mirna met ses mains sur son
visage, en proie à une émotion très forte.
MIRNA : Mon dieu… Jason… Jason !
Elle sourit et prend son
fils dans ses bras.
JASON : Comment vas-tu, Maman ?
MIRNA : C'est à moi de te poser la question. Trois ans, Jason. Trois ans que tu
n'as plus donné de nouvelles. Que s'est-il passé ?...
Elle passe la main sur les
ecchymoses de son fils.
… Et qu'est-ce que tu as au visage ? Pourquoi es-tu parti sans me laisser le
moindre mot ?
JASON : Ca fait beaucoup de questions. Pas maintenant, Maman. S'il te plaît.
MIRNA : Mais entre donc.
Jason entre dans le
vestibule. Mirna aperçoit la valise qu'il porte à la main.
JASON : J'ai pensé que peut-être tu pourrais m'héberger quelques temps.
MIRNA : Mais voyons, mon chéri. Tu es ici chez toi. Oh, c'est mon plus beau
jour depuis ces trois longues années…
Elle regarde son fils.
… j'ai tant de choses à te demander. Mais d'abord, vas te mettre à ton aise. Ta chambre est restée telle quelle, tu sais. Je n'ai rien touché. Ensuite, tu viendras manger
quelques cookies et nous pourrons parler tranquillement.
19
A L'UNECAIN, DANS LE BUREAU DE MLLE JUDICAL
La directrice déballe
un bonbon, le porte à la bouche et savoure la sucrerie. On frappe à la porte.
Elle ouvre les yeux et fait la grimace. La porte s'ouvre et Ursula entre dans le
bureau avec un journal dans la main. Mlle Judical soupire.
MLLE JUDICAL : Ursula, qui a-t-il encore ?
URSULA : Excusez-moi de vous déranger, Mlle. Mais je crois que vous devriez
lire ceci.
Elle lui tend le journal.
Mlle Judical plisse les yeux.
MLLE JUDICAL : Ce n'est pas possible !
Le journal titre : "
Accident suspect à Garden View ". Mlle Judical lit :
MLLE JUDICAL : " Un habitant de Garden View, Gil Chabert, professeur d'éducation
physique dans la très sélect Unecain High School, est tombé d'une hauteur de
dix mètres. Grièvement blessé, il a été transporté d'urgence à l'hôpital,
où cependant ses jours ne sont plus en danger. "
20
LE GARDEN PLACE TRIBUNE, BUREAU DE JOE KRUEGER
Joe Krueger, le rédacteur
en chef du journal, est assis à son bureau, en face de Mlle Judical. Elle jette
le journal sur le bureau.
MLLE JUDICAL : Joe. Comment avez-vous osé publier cette immondice ? Je vous
croyais mon ami.
JOE : Alice voyons. Cet article n'a rien d'exceptionnel. Je ne fais que retracer les faits. Un de vos employés est tombé. Je n'ai rien dit d'autre. J'aurais très bien pu parler
d'une tentative de meurtre, mais tant qu'on n'en est pas sûr, je
préfère m'abstenir.
MLLE JUDICAL : Il n'y a pas eu de tentative de meurtre. C'est un accident. Un
simple et triste accident.
JOE : Alors pourquoi des inspecteurs de la criminelle rôdent-ils autour de vous
?
MLLE JUDICAL : Je vois que vous êtes bien renseigné.
JOE : C'est mon métier.
Joe se lève.
… Ecoutez Alice. Je ne comprends pas pourquoi vous vous mettez en colère.
Comme je vous l'ai dit, je n'ai retracé que les faits. Je n'ai pas ragoté.
MLLE JUDICAL : " Accident suspect à l'Unecain ", et en gros titre en
plus. Ce ne sont pas des ragots, ça ?
JOE : Je n'ai pas pensé à mal en écrivant ceci, croyez-moi.
MLLE JUDICAL : Maintenant, les autres feuilles de choux vont s'en donner à cœur
joie, vous pensez bien ! Et je ne parle pas de la télévision !
JOE : Si c'est vraiment un accident, alors pourquoi vous en faire ?
MLLE JUDICAL : Ne jouez pas ce petit jeu avec moi, Joe. On se connaît depuis
pas mal de temps, tous les deux. Vous savez très bien que ce titre va attirer
la presse à scandale. Je veux un démenti formel pour la prochaine édition,
vous m'entendez. Insistez sur le fait qu'il s'agit d'un regrettable accident.
Vous me devez bien ça.
21
" CHEZ BRONSKI
"
Siria et un ami entre
dans le café. Il y a du monde. Ils s'assoient à une table, située à la
gauche du bar. L'ami de Siria s'appelle Paul.
SIRIA : En histoire, je suis une nouvelle fois " tombée " sur M.
Triches. Je n'aime pas ce type.
PAUL : Ne te plains pas. Moi j'ai la vieille Sutherland. Tu sais, celle qui a
deux cornes sur la tête.
Siria
rit.
SIRIA : Arrête, c'est sa coupe de cheveux. Deux chignons sur les côtés, c'est
plutôt joli, non ?
Siria prend ses cheveux dans ses mains et mime la coiffure de Mme Sutherland. Soudain, elle regarde en direction du bar et son sourire s'efface. Jillie est assise sur un
tabouret, un
verre vide devant elle. Elle a la tête penchée sur le comptoir. Visiblement,
elle est ivre. Paul a remarqué le changement d'humeur de Siria.
PAUL : Qu'est-ce qu'il y a ?
Siria continue de regarder
dans la direction de Jillie.
SIRIA : Au bar, là-bas. Il y a Mlle Perkins. C'est notre prof d'économie.
Paul se retourne et regarde
à son tour.
PAUL : Oui, je la connais, je l'ai eu l'année dernière. Plutôt sympa.
SIRIA : Tu ne trouve pas qu'elle a l'air bizarre ?
Paul hausse les épaules.
SIRIA : Tout à l'heure, elle devait nous donner un cours, et elle est partie précipitamment.
C'était visible qu'elle avait quelque chose qui n'allait pas.
PAUL : Laisse tomber Siria. Ce ne sont pas nos affaires.
SIRIA : Paul, tu ne comprends pas. Elle est ivre. Elle ne pourra jamais rentrer
chez elle dans l'état où elle est.
PAUL : Et qu'est-ce que tu comptes faire ? Aller la voir, l'empoigner par la
peau des fesses et lui mettre la tête sous l'eau froide ?
SIRIA : Tu as une pièce ?
22
SECRETARIAT DE L'UNECAIN
Ursula et Lacey sont
dans la pièce. Ursula est à son bureau, et Lacey dépose un gros dossier sur
le comptoir.
LACEY : Voilà, ma chère Ursula. Les dossiers d'inscriptions pour la prochaine
session sont remplis. Bon courage !
Ursula se lève pour prendre
les dossiers. Lacey montre du visage le bureau de Mlle Judical.
LACEY : Comment va notre vieux dragon ?
URSULA : Je serai bien en mal de vous le dire, Lacey. Elle est partie. Je
suppose qu'elle est allée voir son copain Joe du Garden Place Times. Elle était
furax quand elle a vu l'article.
LACEY : Oui, je l'ai lu aussi. Le feu a dû sortir de ses narines, je suppose.
Ursula rit.
URSULA : Rassurez-vous, j'ai toujours un extincteur à portée de main.
Le téléphone sonne alors
qu'elle dit cette phrase. Elle décroche
URSULA : L'Unecain. Ursula à l'appareil…. Bonjour Siria.
Lacey lève la tête vers
Ursula.
URSULA : Ah, je suis désolée, mais Mlle Judical s'est absentée.
LACEY : C'est Siria Johnson ?
Ursula fait un signe de tête.
Lacey tend la main, faisant signe de lui passer Siria. Ursula donne l'appareil
à Lacey.
LACEY : Siria ? C'est Lacey Calvin.
SIRIA : Mlle Calvin. J'essaye de joindre Mlle Judical.
LACEY : Quelque chose ne va pas ?
SIRIA : C'est Mlle Perkins.
LACEY : Jillie ?
SIRIA : Oui. Mlle… Elle n'est pas bien.
LACEY : Où es-tu ?
SIRIA : Je suis chez Bronski, le café qui fait le coin. Je crois que Mlle
Perkins a trop bu.
Lacey a un mouvement
d'agacement, puis dit à Siria.
LACEY : Très bien. J'arrive. Surveille-la en attendant.
23
LA MAISON DES PATRICK
Jason est dans sa
chambre. Il contemple un trophée, qui se trouve sur le meuble, près de la télé.
Il représente un joueur de football américain sur un socle. Il caresse le
trophée du doigt. A ce même moment, on entend un klaxon de voiture. La porte
s'entrouvre. Mirna passe la tête pour voir Jason.
MIRNA : Flo est ici. Nous avons prévu de faire des courses et d'amener des
cookies pour la fête de la paroisse…
Elle entre complètement dans la pièce maintenant.
Mais si tu préfères que je
reste ici…
JASON : Non, Maman. Surtout pas. Fais comme d'habitude.
MIRNA : Tu seras là à mon retour ?
JASON : Bien sûr Maman. Ne t'inquiètes pas. Je suis revenu pour de bon.
MIRNA : C'est que j'ai tellement peur…
JASON : Tu n'as plus rien à craindre, crois-moi.
MIRNA : Très bien. J'ai laissé quelques cookies dans un pot si tu en veux. Et
il y a du lait dans le réfrigérateur.
Mirna quitte la pièce. Jason va à la fenêtre. Il voit sa mère entrer dans la
voiture et la voiture démarrer. Il sort de la pièce, dévale les escaliers et
va à la cuisine. Il prend le pot de cookies, puis un pack de lait avec un
verre. Avec le tout, il va voir Nanne. La pièce est noire. Jason allume la lumière.
Nanne est couchée sur le lit. Elle tourne la tête vers lui. Jason pose les
cookies, le lait et le verre sur la table de nuit.
JASON : Bonjour, ma caille. Je t'ai apporté des cookies et du lait. Tu dois être morte de faim. Ce soir, Maman me prépare un bon dîner. Je t'en apporterai lorsqu'elle sera couchée. Tu verras, c'est un fin cordon bleu. Tu te régaleras.
Nanne ne dit pas un mot.
Elle tourne la tête. Jason s'assoit sur le lit, à côté d'elle.
JASON : Ca ne doit pas être marrant pour toi d'être ici.
Nanne tourne alors vers lui
un regard triste.
NANNE : Combien de temps vas-tu me garder dans cette prison ?
JASON : Le temps nécessaire pour que tu comprennes un peu mieux la situation
dans laquelle nous sommes.
NANNE : La situation est claire. Tu me retiens prisonnière ici, dans cette
cave… dans cette pièce.
JASON : Je dois avoir des " Pif " et des " Mickey " dans ma
chambre. Je viendrai te les apporter. Ca te feras toujours passer le temps.
NANNE : Je n'en veux pas. Je veux sortir d'ici, Jason. Laisse-moi sortir.
JASON : Tu es bien mieux ici, crois-moi ma caille.
24
CHEZ BRONSKI
Lacey entre dans le café.
Elle aperçoit Jillie, affalée sur le comptoir du bar, puis Siria et Paul à
une table. Elle fait un petit signe à Siria et se dirige vers le comptoir. Elle
s'assoit à côté de Jillie. Le barman arrive.
LE BARMAN : Je vous sers quelque chose, ma petite dame ?
LACEY : Un grand sceau d'eau bien glacé pour le flanquer sur la tête de la
plus stupide des collègues que je n'ai jamais eus.
Jillie lève la tête et
aperçoit Lacey. Puis elle fait mine de laisser tomber sa tête sur le comptoir.
JILLIE : Oh, non. Pas elle ! Pitié.
Lacey regarde le barman
LACEY : Mais qu'est-ce qui vous a pris de lui servir autant de vodka ! Vous avez
perdu la tête ou quoi !
LE BARMAN : Oh hé, ma petite dame. Si la petite dame a soif, c'est son droit de
boire. J'allais de toute façon l'inviter à quitter l'établissement.
LACEY : Vous savez ce qu'elle vous dit la petite dame, " mon petit monsieur
" ?
Le barman regarde Lacey,
puis part de l'autre côté du comptoir. Lacey prend Jillie par les épaules.
LACEY : Allez viens, je te ramène.
Jillie la repousse.
JILLIE : Laisse-moi tranquille. Laissez-moi tous tranquille.
Elle pleure.
… tu ne l'as pas vu, toi. C'était horrible… horrible. Il était allongé là,
sur le sol… et il y avait du sang qui sortait de sa bouche…
Lacey prend Jillie. Cette
dernière se lève avec peine et les deux femmes se dirigent vers la sortie du
bar. Lacey est obligée de soutenir Jillie, titubante.
LACEY : Pour une fois que tu as une excuse pour boire, tu ne la rate pas, celle
là !
25
LA MAISON DES PATRICK, JASON DANS LE SALON
Il regarde la télévision,
située sur un petit meuble. Le fauteuil où Jason est assis fait angle droit
avec un canapé. Sur le canapé, Mirna tricote. Elle porte un pull en laine
blanc. Jason est en jean. C'est l'heure du journal télévisé. On y voit la présentatrice
assise derrière un bureau. A gauche de l'écran, un cadre incrusté avec la
photo de Gil. La présentatrice du journal commente ceci.
LA PRESENTATRICE : Curieux drame que celui survenu hier mardi à Garden View,
dans la banlieue de Garden Place, où un homme, Gil Chabert, professeur à la célèbre
Unecain High School, a été découvert inanimé sur la terrasse d'un balcon.
Cet événement pour le moins curieux coïncide avec la disparition de Nanne
Bolevino, également employée à l'Unecain. La police pense qu'il existe un
lien entre les deux affaires. Transporté d'urgence à l'hôpital, M. Chabert
souffre de nombreuses commotions. Ces jours ne sont cependant pas en danger
".
Jason se redresse
brusquement. Sa mère le regarde, intriguée.
MIRNA : Quelque chose ne va pas ?
JASON : Non, ce n'est rien. C'est juste… enfin, je connais cet homme. Celui
qui a été trouvé sur la terrasse.
MIRNA : Vraiment ?
Mirna n'y porte pas plus
d'attention. Jason se lève.
JASON : Je vais dans ma chambre. Je suis fatigué.
Nous passons directement
dans la chambre de Jason. Son visage exprime un sentiment d'angoisse et de colère.
Il se met à genoux devant son lit et frappe un grand coup sur le matelas.
JASON : Et merde… Ce type est toujours vivant.
Il se relève et marche dans
la chambre.
JASON : S'il parle. Je suis fichu.
Il prend le téléphone qui
se trouve sur son bureau. De sa main libre, il consulte un carnet. Il compose un
numéro. Il est en ligne avec l'hôpital de Garden Place.
JASON : Oui, bonsoir Madame. J'aimerai avoir des nouvelles de M. Gil Chabert,
s'il vous plaît.
LA RECEPTIONNISTE : Etes-vous un parent ?
JASON : Oui, je suis son frère. Cela fait trois ans que je ne l'ai pas vu, vous
comprenez. Je vous appelle de New York. Ca a été un grand choc pour moi, vous
savez.
LA RECEPTIONNISTE : : Soyez rassuré, Monsieur. Votre frère est hors de danger
maintenant.
JASON : Est-ce qu'il est conscient ?
LA RECEPTIONNISTE : Pas encore, Monsieur.
Jason ferme les yeux, exprimant un certain soulagement.
JASON : Pouvez-vous me dire quand il reprendra conscience ?
LA RECEPTIONNISTE : Je ne saurais vous le dire, Monsieur. Je vais vous passer le
médecin.
JASON : Non, ce ne sera pas nécessaire, merci. Je vais venir le voir de toute
façon. Merci.
Il raccroche. Il se passe la
main dans les cheveux, comme pour réfléchir à la situation.
26
A GARDEN VIEW, A L'INTERIEUR DE
L'IMMEUBLE
Dans l'immeuble, Menley
est devant l'ascenseur, tailleur chic et attaché-case à la main. La porte de
l'ascenseur s'ouvre. Beth est à l'intérieur. Elle sourit à Menley. Cette
dernière hésite, puis entre. La porte se referme.
BETH : Menley, comment allez-vous ?
MENLEY : Très bien, merci.
BETH : Vous partez travailler à ce que je vois. Vous en avez de la chance. Moi
c'est une chance que je n'ai pas.
MENLEY : Vous pourriez trouver du travail, si vous le désirez.
BETH : Oh non, très peu pour moi. Voyez-vous : vous, Lacey, Jillie et les
autres, vous avez de la chance d'avoir un travail qui vous plaît. Mais moi j'ai
une autre chance, c'est celle d'avoir un mari formidable et que j'aime de tout
mon cœur…
Beth scrute des yeux Menley
comme si elle essayait de lire dans ses pensées. Menley est très mal à
l'aise. Beth continue :
… C'est tellement agréable de lui préparer des petits plats pour son retour,
le soir ; lui masser les épaules lorsqu'il rentre fatiguer. Vous ne connaissez
pas ce genre de plaisir, Menley. Mais vous êtes très jolie, je suis sûre qu'à
Garden Place, vous allez trouver chaussures à vos pieds.
La porte de l'ascenseur s'ouvre. Beth en sort, sous le regard de Menley.
27
GARDEN VIEW, A L'EXTERIEUR
Lacey sort de l'immeuble
Garden View. A droite, des enfants jouent avec une balle. La balle arrive près
de Lacey. Avec un sourire, elle prend le ballon et le lance de toutes ses forces
vers les enfants. Puis elle se retourne et son sourire s'efface. Jason sort à
son tour de l'immeuble. Elle court vers lui.
LACEY : Jason ! Enfin vous voilà.
Elle est à la hauteur de
Jason maintenant. Le garçon continue de marcher à une allure vive.
JASON : Lacey, je n'ai pas le temps maintenant.
LACEY : Jason. Il faut aller voir la police.
JASON : J'ai déjà parlé à la police.
LACEY : Quoi ? Et où est Nanne ?
Jason s'arrête et regarde
Lacey.
JASON : Ca. J'aimerai bien le savoir. Figurez-vous que je suis venu ce matin
dans l'appartement pour chercher quelques affaires personnelles. J'avais des économies
dans une boite, au fond d'une armoire. La boite a disparu. Cette garce de Nanne
m'a tout volé avant de partir.
LACEY : Je n'en crois pas un mot.
JASON : Elle a complètement perdu la tête. Elle essaie de tuer l'un de ses
meilleurs amis. Et ensuite elle prend la clé des champs avec mon fric.
LACEY : Vous êtes complètement cinglé. Nanne n'aurait jamais fait une chose
pareille. C'est vous qui avez poussé Gil du balcon.
JASON : C'est une accusation gratuite, Lacey. Je n'ai rien à voir avec ça.
Vous m'accusez parce que vous me détestez.
LACEY : Je vous accuse parce que je vous connais.
JASON : Nous verrons Lacey. Nous verrons lorsque Gil reprendra conscience. Il
dira que c'est Nanne qui l'a poussé.
Lacey regarde Jason avec
insistance.
LACEY : Pour la dernière fois. Dites-moi où est Nanne.
JASON : Lacey, vous m'ennuyez à la fin. J'en ai plus qu'assez de voir tout le
monde contre moi. Fichez-moi la paix une bonne fois pour toute.
Jason reprend sa marche et
laisse Lacey qui le regarde partir.
28
AU COMMISSARIAT
Lacey est devant Follet
et Track.
FOLLET : Il a un alibi.
Il se lève.
FOLLET : Ecoutez, Mlle Calvin. Je sais que vous êtes très attachée à Nanne.
Mais les faits sont là.
LACEY : Et mes faits à moi, qu'en faites-vous ? Gil m'a dit que Jason a forcé
Nanne à sortir avec ce Trench. Gil était en colère contre Jason. Ce n'est pas
suffisant, ça ?
FOLLET : Nous sommes allés interroger Trench. Il nie avoir passé la soirée
avec Nanne.
LACEY : Ah ! Mais bien sûr. Vous vous attendiez à quoi ? A ce qu'il vous dise
: " ah oui, Nanne est venue chez moi. Et ah, au fait, tant que j'y pense et
avant que j'oublie, j'ai essayé de la violer ".
FOLLET : Et quand bien même ce serait arrivé. Rien ne prouve que ces deux
affaires sont liées.
LACEY : Et rien ne prouve le contraire…
Silence pendant quelques
instants, puis Lacey poursuit.
…Jason Patrick est un homme dangereux.
FOLLET : Il n'a pas de casier judiciaire.
LACEY : Il a voulu tuer Gil. J'en suis sûre. Et il a peut-être tué Nanne.
Follet à l'air perplexe. A
l'autre bout de la pièce, Track raccroche le téléphone.
TRACK : Nous allons le savoir tout de suite. L'hôpital vient d'appeler. Gil
Chabert a repris conscience.
29
A L'HÔPITAL
Track et Follet se
dirigent vers la réception. Lacey les suit. Au moment où les inspecteurs
arrivent au comptoir, Lacey aperçoit Jason sur une chaise, dans le couloir.
Elle se dirige vers lui.
LACEY : Mais qu'est-ce que vous faites ici ?
Jason se lève.
JASON : Je suis venu prendre des nouvelles de Gil. Je m'inquiète pour lui.
LACEY : Vous êtes encore plus cinglé que je ne le pensais.
Un petit silence, puis Lacey
dit, en pesant ses mots :
… Gil vient de se réveiller.
Jason prend un air surpris.
JASON : Quoi ?
Les deux inspecteurs se
dirigent vers une porte, sur la droite. Lacey regarde dans leur direction.
LACEY : Ils vont l'interroger… T'es cuit, mon grand.
Jason pivote sur lui et
quitte Lacey. Il marche doucement. Lacey l'interpelle.
LACEY : Reste ici. Je veux voir le moment où ils vont te passer les menottes.
Puis elle ajoute, plus
doucement :
… Pauvre petite frappe.
Follet et Track sont au
chevet de Gil. Le docteur Kirios est avec eux. Le jeune homme, le front bandé,
est couvert d'ecchymoses sur la figure. Il tourne la tête à droite, puis à
gauche en murmurant :
GIL : Nanne… Nanne…
Follet s'approche de lui.
FOLLET : M. Chabert. M. Chabert, vous m'entendez ?
Gil ouvre doucement les
yeux.
GIL : Qui êtes-vous ? Ou suis-je ?
FOLLET : M. Chabert. Je suis l'inspecteur Follet.
GIL : Qu'est-ce qu'il m'est arrivé ? Pourquoi je suis ici ?
FOLLET : Mlle Jillie Perkins vous a découvert sur sa terrasse. Vous êtes tombé
du balcon de l'appartement de Nanne Bolevino.
GIL : Jillie ? Nanne ?
Dans le couloir, Jason est
assis sur une chaise. Il semble nerveux. Il ne cesse de regarder Lacey. Elle
aussi l'observe. Puis elle regarde sa montre, impatiente. Retour à la chambre
de Gil.
FOLLET : M. Chabert. Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé juste avant
l'accident ?
GIL : J'étais dans l'appartement de Nanne, je crois. Tout est flou dans ma tête.
Je me suis battu avec Jason.
FOLLET : Et ensuite ?
GIL : Je ne me souviens de plus rien d'autre.
FOLLET : Juste avant de tomber, avez-vous aperçu quelque chose ?
GIL : Nanne. Elle criait mon nom.
FOLLET : Ou était-elle ?
GIL : Je ne sais pas. Je ne m'en souviens plus.
Gil commence à s'agiter.
Kirios arrive près d'eux.
KIRIOS : Ca suffit, maintenant. Il faut qu'il se repose.
Nous retournons dans le
couloir. Des perles de sueur coulent sur le front de Jason. Lacey continue à le
regarder. Les deux inspecteurs sortent de la chambre de Gil. Lacey et Jason se lèvent.
Les policiers passent devant eux sans rien dire. Jason soupire de soulagement et
ferme les yeux. Lacey regarde Jason, puis les deux policiers. Elle court vers
eux.
LACEY : Hé, attendez ! Pourquoi vous ne l'arrêtez pas ?
Follet se tourne vers Lacey,
l'air las.
FOLLET : Ecoutez, Mlle Calvin. Gil Chabert ne se souvient plus de ce qui s'est passé. La seule chose dont il se souvient juste avant d'être tombé du balcon, c'est d'avoir
vu le visage de Nanne Bolevino. Qu'est-ce que vous dites de ça ?
Lacey baisse les yeux. Jason
part se réfugier dans les toilettes. Une fois dans la pièce, il ferme la porte
et s'adosse à elle. Toute sa tension se relâche.
30
CABINET BURNSTEIN, FARRIS &
ASSOCIéS
Nous voyons Kelly arrivée
par l'ascenseur. Elle est à la réception : grande salle très moderne. Le
comptoir de réception se trouve en face de l'ascenseur. Il faut traverser la pièce
pour s'y rendre. Derrière le comptoir, le logo du cabinet et un bureau. De
chaque côté de la réception, une porte menant à un bureau. Sur la porte de
droite, il est inscrit : " Edward Burnstein " et sur l'autre porte
" Stuart Farris ". Derrière le comptoir, la secrétaire, Jenny
Sliver, regarde Kelly arriver et lui sourit.
KELLY : Bonjour Jenny.
JENNY : Mme Farris. Quel plaisir de vous voir ! Vous êtes superbe. Ce tailleur
vous va à merveille.
KELLY : Je vous retourne le compliment.
JENNY : Lequel des deux bourreaux de travail êtes-vous venue voir ?
KELLY : Mon mari.
JENNY : C'est tant mieux, parce que votre père est au tribunal en train de
plaider. Vous pouvez entrer, quelque chose me dit que Stuart va aimer la
surprise.
Kelly quitte Jenny et se
dirige vers la porte de gauche. Elle frappe et entre. Stuart est à son bureau.
Lorsqu'il voit Kelly, il se lève.
STUART : Kelly, je ne t'attendais pas.
KELLY : J'ai terminé mes cours aujourd'hui.
STUART : Des nouvelles de Gil ?
KELLY : Oui. Il va mieux.
STUART : Tant mieux. Et Nanne ?
KELLY : Toujours aucune nouvelle.
Elle s'approche de Stuart.
KELLY : Ecoute. Je suis venu pour te faire mes excuses. J'ai très mal réagit
l'autre soir. Je te demande pardon. Il faut que j'arrive à oublier.
STUART : Ma chérie, c'est moi qui m'excuse. Jamais je n'aurais dû te parler de
la sorte. Je sais que tu as beaucoup souffert ces derniers temps, et…
Kelly se jette dans les bras
de Stuart et l'embrasse tendrement.
STUART : Ouah ! Ca c'est un baiser de réconciliation où je ne m'y connais pas.
Est-ce que ça te brancherais de dîner italien ce soir ? Spaghetti bolognaises.
KELLY : Voilà une suggestion très enrichissante… surtout pour la ligne.
31
MAISON DES PATRICK
Jason apporte le journal
à Nanne. Le lit est vide.
JASON : Nanne ?
Soudain, Nanne, qui est
derrière la porte, frappe la tête de Jason avec le plateau du dîner. Dans la
surprise, il se penche. Nanne le pousse et il tombe près du lit. Elle sort
rapidement de la pièce. Jason se relève et court vers elle. Elle est près des
chaises empilées. Jason saute sur elle et l'attrape. Dans l'action, les chaises
empilées tombent dans un fracas.
En haut, dans la cuisine, Mirna entend le bruit. Elle se dirige vers la petite
porte, à côté des escaliers, porte qui donne sur la cave. Elle pousse la
porte.
En bas, Nanne se débat et tente d'échapper à son geôlier. Jason met la main
devant la bouche de la jeune fille pour ne pas qu'elle crie.
En haut, Mirna hésite à descendre.
MIRNA : Jason ? Est-ce que tout va bien ?
En bas, Nanne remue encore
plus en entendant la voix de la mère de Jason, comme si elle utilisait ses
dernières forces. Jason la tient toujours d'une main ferme.
JASON : Oui, Maman, ne t'inquiète pas. J'ai juste trébuché sur les chaises.
MIRNA : Monte, veux-tu. Je n'aime pas te savoir dans cette cave, surtout avec la
marche qui est branlante. Tu risques de te rompre le cou.
JASON : Oui, Maman. J'arrive dans quelques minutes. Ne t'inquiète pas.
Jason reste avec Nanne un
instant. Plus un bruit. Jason emmène Nanne, toujours avec une main sur la
bouche pour ne pas qu'elle crie, dans sa prison. Il ferme la porte et projette
Nanne sur le lit.
JASON : Mais qu'est-ce qui t'as pris de faire une chose pareille ?
Il ramasse le journal qu'il
avait fait tomber lors de l'attaque surprise de Nanne.
JASON : Tu vas peut-être comprendre avec ça.
Il pointe le journal devant
le visage de Nanne, l'air menaçant et furieux.
JASON : Tu vas peut-être mieux comprendre en lisant ceci… Allez, lis !
Nanne n'a pas de réaction.
JASON : Lis… La police est à ta recherche Nanne. Ils te soupçonnent d'avoir
voulu tuer Gil.
Nanne écarquille les yeux,
signe d'espoir.
NANNE : Il n'est pas mort ?
JASON : Non, il n'est pas mort. Mais il est devenu amnésique. Ne vas surtout
pas te faire de fausses joies, ma caille. " Ton " Gil t'a pratiquement
accusée de l'avoir poussé du balcon.
NANNE : Quoi ? Mais c'est impossible !
JASON : Il a dit à la police que la dernière chose qu'il a vu avant de tomber,
c'est toi ! Tu comprends ce que ça veut dire ?
Jason, toujours en colère,
se lève brutalement. Il jette le journal sur Nanne.
JASON : Je viendrai demain matin t'apporter du café et des toasts. En
attendant, lis cet article, ça te fera réfléchir. Avec un peu de chance, tu
reviendras à de meilleurs sentiments et tu me feras un peu plus confiance.
32
L'APPARTEMENT DE JILLIE
Jillie ouvre la porte
d'entrée. Lacey est devant elle, accoudée contre le renfoncement. Elle tient
un papier style prospectus dans la main et le tend à Jillie.
LACEY : Tiens, cadeau de Noël avant la date.
Jillie, l'air intrigué,
prend le papier. Lacey passe devant elle et entre dans l'appartement. Jillie
regarde le papier.
JILLIE : Mais c'est…
Lacey l'interrompt.
LACEY : Un prospectus pour un superbe séjour à Garden Hill. Remise en forme,
centre thermale, piscine, restaurant. C'est vraiment génial, tu verras.
JILLIE : Lacey, c'est un centre de désintoxication.
LACEY : C'est aussi ça, oui.
Elle dit ceci d'un ton détaché.
Pour la phrase suivante, elle reprend son sérieux.
...Ecoute Jillie. Tu as un problème. Rends-toi à l'évidence. Tu bois comme un
trou et tu ne dessaoules pratiquement plus de la journée.
JILLIE : Ce n'est pas vrai, et tu le sais. Je ne bois jamais pendant le travail. J'avoue qu'il m'arrive de prendre un verre de temps en temps pendant le week-end, mais c'est
tout. Il n'y a rien de dramatique à tout ça.
LACEY : Un verre de temps en temps ! ? Jillie tu bois en alcool et en un
week-end l'équivalent en eau du Nil.
JILLIE : Ah, je te reconnais bien là. Sainte Lacey, patronne des causes perdues. La seule fille au monde sans problème, qui n'a jamais rien à se reprocher. Alors qu'est-ce
qu'elle fait : elle s'occupe des opprimés. Qu'est-ce
que tu espères ? Recevoir le prix Nobel des cheftaines scouts ? Quand vas-tu te
décider de me laisser tranquille ?
LACEY : J'aimerai pouvoir te laisser tranquille, mais j'en ai plus qu'assez de
toujours te voir rouler sous les tables.
JILLIE : S'il m'arrive d'être saoule de temps en temps, et je dis bien de temps
en temps, ce n'est jamais pendant le travail.
LACEY : Oui. Jusqu'à aujourd'hui.
JILLIE : Aujourd'hui, j'avais mes raisons.
LACEY : Oh, oui, bien sûr. Une bonne raison. Tu parles ! A chaque fois qu'il se
passera la moindre petite chose dans ton existence, tu vas boire. Et boire, et
boire encore.
Jillie hurle.
JILLIE : Mais tu ne sais pas ce que ça a été pour moi de voir Gil, allongé
par terre, baignant dans son sang.
Lacey regarde Jillie dans
les yeux et dit calmement :
LACEY : Dis-moi Jillie. Est-ce que tu as pensé à prendre des nouvelles de Gil
récemment ? T'es-tu renseignée pour savoir s'il allait mieux ?
Pas de réponse. Lacey
poursuit :
… J'en étais sûre. Gil n'a été qu'un prétexte à ta beuverie
d'aujourd'hui.
Elle se dirige vers la porte
de sortie
LACEY : Tu devrais lire ce prospectus et bien réfléchir.
JILLIE : Non attends Lacey. Comment va-t-il ? Comment va Gil ? Est-ce qu'il va
mieux ?
Pas de réponse. Lacey a un
triste sourire, sort et ferme la porte.
33
HÔPITAL CENTRAL DE GARDEN PLACE
Jason sort précautionneusement d'une pièce. Il regarde autour de lui. Personne
n'est dans le couloir. Il est habillé d'une blouse blanche de médecin. Il a
une seringue à la main. Il avance doucement vers la chambre où il est inscrit
sur la porte " 245 ". Il ouvre la porte. Gil dort. Jason entre et
ferme la porte avec précaution. Tout en s'avancant vers Gil, il murmure :
JASON : Il est grand temps que je m'occupe de toi, mon grand. Ca me fait de la
peine, je n'ai jamais tué quelqu'un de ma vie, mais là, je n'ai pas le choix.
Dis-toi bien que je fais ça pour Nanne. Je sens qu'on va vivre heureux tous les
deux. Je lui apporterai tout ce que toi, tu n'aurais pas pu lui apporter.
La tête de Gil est reposée
du côté opposé à Jason. Jason porte la seringue près de son visage afin de
la regarder. Il continue à murmurer :
JASON : Ma mère a été infirmière, dans le temps. Elle était obligée de
travail pour nous nourrir, mon frère et moi. Un jour, elle m'a appris qu'en
injectant de l'air dans le corps d'un être humain, il meurt d'asphyxie. C'est
le moment d'essayer pour voir si ça marche vraiment. Ne t'inquiète surtout
pas, il paraît que ça ne fait pas mal.
Jason approche la seringue du bras de Gil.
GéNéRIQUE DE FIN