1
GARDEN HIGH STREET
La grande rue commerciale de
Garden Place est très animée en cette période. La musique de Noël " Jingle
Bells " retentit, mettant tous les passants de bonne humeur. Les rues sont
bardées de décorations lumineuses. Les passants se pressent, beaucoup avec
de grands sachets à la main. Il fait un peu froid, malgré le soleil de
Californie.
Un Père Noël géant trône en plein milieu du centre commercial. Autour de
lui, des cadeaux et, bien évidemment, des enfants émerveillés. Les
boutiques du centre affichent tous des décors de Noël. Parmi la foule,
Nanne, Gil, Menley, Frank et Lacey qui forment un groupe joyeux. Lacey est
encore une fois habillée de façon excentrique : elle porte un habit rouge
qui n'est pas sans ressembler à celui du Père Noël. Menley et Frank se
tiennent par la main. Nanne rit avec Gil. Elle porte un paquet sur chaque
bras.
Dans, un magasin de vêtement, Nanne essaie un grand chapeau. Lacey
plaisante avec Menley. Frank regarde les lingeries fines. Menley s'en
aperçoit et le gronde gentiment d'un coup de coude.
Nanne sort du magasin avec un
autre paquet sous le bras. Elle est comique à voir. Derrière elle, Gil
suit avec deux autres paquets.
2
L'APPARTEMENT DE NANNE
La porte d'entrée s'ouvre sur
Nanne, chargée de ses paquets. Elle fait un gros effort pour aller
jusqu'au canapé et les laisse tomber. Gil l'imite. Lacey, Frank et Menley
suivent derrière.
NANNE : Qui veut du café ?
LACEY : Ah, enfin une proposition décente.
GIL : La
récompense suprême après une demi-journée de dur labeur passée à porter
des kilos et des kilos de paquets !
NANNE : Là,
tu exagères !
FRANK : Et
dis-moi Nanne, tu vas trouver une place pour mettre tout ça ?
NANNE :
D'abord, tout n'est pas pour moi, et ensuite… oui… je vais sûrement
trouver encore une petite place.
Lacey regarde la nouvelle installation hi-fi de
Nanne et son regard se porte sur l'écran.
LACEY : Ouah
! Il est giga, cet écran.
NANNE :
L'autre télévision était trop petite.
Lacey se tourne vers Nanne.
LACEY
(ironique)
: Une paire de lunette aurait peut-être été meilleur marché.
Le ton est sympathique et
l'ambiance chaleureuse, vivante. La bonne humeur règne à l'approche de
Noël.
Gil s'effondre sur le canapé.
GIL : Je suis
crevé.
Menley l'imite.
MENLEY : Mon
empire pour un café !
NANNE : Je
vais aller le préparer.
Elle quitte la pièce pour
aller dans la cuisine. Frank s'assoit sur un fauteuil, en face de l'écran
géant, tandis que Lacey scrute le nouveau matériel hi-fi.
LACEY :
Vraiment génial.
FRANK : On a
passé un bon après-midi.
GIL : Ouais,
je crois que ça nous a fait du bien à tous.
MENLEY : Sauf
au portefeuille de Nanne.
Tous éclatent de rire. Lacey
vient près du groupe.
LACEY : Je
crois que je vais me reconvertir en aide-maternelle. Je vois que ça paye
mieux.
GIL : Nanne a
bien le droit à ça. Elle a passé de mauvais moments ces derniers mois.
(il se lève) Je vais aller voir ce
qu'elle fabrique dans la cuisine.
Il quitte la pièce.
FRANK : Je
crois qu'il est toujours accroché à elle.
LACEY : Il en
est fou amoureux, tu veux dire.
Menley lève la tête,
stupéfaite.
MENLEY :
Attendez là ! Je dois avoir loupé un épisode. Gil est amoureux de Nanne ?
Et depuis quand ?
FRANK :
Voyons Menley, ça crève les yeux. Gil est dingue de Nanne depuis le
premier jour où elle est arrivée à Garden Place.
MENLEY : Sans
blague ?
LACEY : Oui,
mais Nanne ne s'aperçoit de rien et Gil n'est pas capable de faire le
premier pas.
Dans la cuisine, Gil s'approche de Nanne. Cette
dernière est en train de mettre du café dans la machine à café.
GIL : Nanne,
tu dois faire attention.
NANNE : Ne
t'inquiète pas, je ne mets que 4 cuillères. Pas de quoi fouetter le sang.
GIL : Je ne
parle pas du café, mais de ton héritage. Les gens de Garden View
commencent à se poser des questions en te voyant dépenser autant. Si tu ne
veux pas que ça se sache, il faut que tu sois un peu plus prudente.
NANNE : Tu as
sans doute raison. Mais à l'approche de Noël, je me sens d'humeur
dépensière, ce n'est pas ma faute.
3
APPARTEMENT
DES FARRIS, DANS LA PIèCE PRINCIPALE
Stuart est assis sur le
canapé, le visage livide. A ses côtés, le téléphone relié à plusieurs
fils. Sur la table se trouve un appareil sophistiqué. Track et Susan
Weight sont installés à cette table. Susan se penche vers Track et lui
chuchote à l'oreille, avec une moue :
SUSAN : J'ai
faim.
Track soupire et se lève. Il
va près de Stuart.
TRACK :
Monsieur Farris. Est-ce qu'il serait possible de manger un morceau ?
Stuart ne répond pas. Il se contente de fixer un
point imaginaire, comme s'il n'avait pas entendu la question du détective.
D'ailleurs, il ne l'a pas entendu.
TRACK
(insistant) : Monsieur Farris ?
Cette fois, Stuart lève la tête.
STUART : Hein
?
TRACK : Nous
sommes ici depuis plusieurs heures, et nous commençons à avoir un petit
creux.
STUART
(sortant de sa léthargie)
: Oui… oui bien sûr… il y a du jambon et le pain se trouve dans le panier,
près de la cuisinière.
Au moment où Track se dirige vers la cuisine, le
téléphone sonne. Stuart sursaute. Track retourne à sa place.
TRACK
(à Stuart qui veut décrocher)
: Attendez !
Track s'assoit, prend des
écouteurs. Il regarde Susan. Elle a la main près d'un bouton de
l'appareil.
TRACK : Prête
?
Susan hoche la tête. Track regarde Stuart.
TRACK :
Maintenant !
Stuart décroche en même temps
que Susan appuie sur le bouton.
STUART : Allô
?
MARIE JO :
Alors, mon ami ? Comment va ? Bientôt Noël. Vous avez fait votre lettre au
Père Noël ?
STUART : Ou
est Kelly ? Comment va-t-elle ?
MARIE JO (exaspérée)
: Kelly… Kelly… Il n'y en a que pour elle. Laissez la donc où elle est.
Elle y est bien croyez-moi.
STUART :
Passez-la moi.
MARIE-JO : Je
ne pense pas que ce soit une bonne idée…
Des gouttes de sueurs perlent
sur le front de Stuart.
STUART :
Pourquoi ?
MARIE-JO :
Disons… qu'elle se repose…
STUART : Vous
ne lui avez pas fait de mal, au moins ?
Marie Jo rit de son rire gras
et satanique.
STUART :
Répondez-moi. Ou est Kelly ?
MARIE-JO : Si
vous me parlez encore une fois de Kelly, je raccroche.
STUART : Très
bien, très bien. Dites-moi pourquoi vous m'appelez, alors.
MARIE-JO :
Vous ne devinez pas ?
STUART : Vous
voulez qu'on se rencontre ?
Marie Jo éclate à nouveau de rire.
MARIE-JO :
Vous êtes une personne très intelligente, Stuart Farris.
Susan Weight regarde sa montre
et, par un geste, elle fait signe à Stuart de continuer.
STUART : Ou ?
Et quand ?
MARIE-JO :
Demain, seize heures, au même endroit.
STUART : Je
serai là. Mais il faut que…
On entend le bip de fin de
communication. Stuart regarde Track et Weight.
STUART : Elle
a raccroché.
SUSAN
(l'air triomphant)
: Bingo !
Track la regarde.
TRACK : Quoi
?
SUSAN : On a
localisé l'appel.
Stuart est
partagé entre la douleur et l'espoir.
générique
de début
SPECIAL GUEST STARS


4
SUITE
DE MLLE JUDICAL
La directrice de l'Unecain est
en train de décorer son sapin de Noël. Déjà toute la pièce est décorée de
divers illuminations. Elle chantonne " White Christmas " en hollandais. La
porte d'entrée s'ouvre et Mlle Judical, qui était en train de placer une
guirlande sur le sapin, s'arrête pour regarder dans cette direction.
Flora, tout sourire, entre, les bras chargés de colis. Derrière elle se
trouve Joe, également souriant.
FLORA (souriante)
: Je vous avez prévenu que je n'étais pas disposée à manger une glace
comme dessert. Je suis maintenant complètement ballonnée.
JOE : Ah, ces
problèmes de femmes !
FLORA :
Problèmes de femmes ? Ne me dites pas que ça ne vous arrive jamais !
A ce moment, Joe aperçoit Mlle Judical près du
sapin. Son sourire s'efface. Il semble gêné.
JOE : Alice !
Flora, qui est aveugle,
n'avait pas perçu la directrice.
FLORA : Alice
? Mais que fais-tu ici ? Je te croyais à l'Unecain.
MLLE JUDICAL (amère)
: C'est ce que je vois, oui.
FLORA
(comme pour s'excuser)
: Joe a bien voulu m'aider à faire des courses pour Noël et à choisir des
cadeaux pour les amis.
MLLE JUDICAL
(blessée) : D'habitude on faisait ça toutes les deux.
FLORA : Sauf
que cette année, l'Unecain te prend toute ton énergie.
MLLE JUDICAL (fâchée)
: J'aurais pu me libérer pour passer un après midi avec toi. Tu sais très
bien que c'est une joie et une tradition entre nous deux.
JOE
(jusque la discret)
: Bien, j'ai encore du travail au journal… je vous laisse…
Mlle Judical l'ignore, quant à Flora, elle semble
remontée contre la directrice et fait la moue. Joe quitte la suite. Flora
s'avance à pas précautionneux vers Mlle Judical.
FLORA : On
peut savoir ce que tu as aujourd'hui ?
Mlle Judical continue de décorer son sapin.
MLLE JUDICAL
: Je ne vois pas de quoi tu parles.
FLORA : Oh,
arrête un peu. Je te sens fâchée contre moi. Est-ce que c'est parce que
Joe et moi avons passé l'après midi ensemble ?
MLLE JUDICAL
: Toi et Joe pouvait passer l'après midi, le soir, la nuit, et toute votre
vie ensemble, je m'en fiche.
FLORA : Je
crois plutôt que tu es jalouse, oui !
Mlle Judical cesse son travail
et se tourne vers Flora, en colère.
MLLE JUDICAL
: Jalouse ? Moi ? Non ! Je ne suis pas jalouse le moins du monde. Je pense
simplement que tu ne devrais pas sortir avec lui, c'est tout.
FLORA : On a
été faire des courses ! On n'a pas cambriolé une banque !
MLLE JUDICAL
: Je n'arrive pas à te comprendre Flora.
Et soudain, Mlle Judical quitte la pièce pour monter
à l'étage, laissant Flora perplexe quant à la réaction de son amie.
5
UNE
PETITE MAISON DANS UNE IMPASSE
Une voiture de police, suivit d'une voiture civile,
roulent à vive allure dans l'impasse. Elles s'arrêtent alors
brusquement, faisant crisser leur pneus. De la voiture de police sortent Track et Follet, armes à la main tandis que Stuart et Susan Weight
descendent de la voiture civile. Follet prend le haut parleur.
FOLLET :
Marie Jo. C'est la police, je vous conseille de vous rendre sans faire
d'esclandre, ça vaudra mieux pour vous.
Aucun bruit de provient de la
maison, très coquette avec un grand porche devant. Le silence en
devient pesant.
FOLLET :
Marie Jo - ou qui que vous soyez - pour la dernière fois, je vous demande
de sortir de la maison lentement et de poser vos mains sur la tête.
Mais toujours aucun bruit ne provient de la maison.
Susan et Stuart s'approchent des deux policiers.
SUSAN
(à Stuart) :
Vous savez qui habite ici ?
STUART : Non,
je n'en ai pas la moindre idée.
Track regarde Follet.
FOLLET : On y
va. (il se tourne vers Stuart)
Vous restez ici avec l'agent Weight. Et
tenez vous à carreaux.
Mais Stuart est très nerveux, il ne semble pas tenir
en place. Follet et Track, toujours l'arme à la main, avancent jusqu'à la
porte d'entrée. Chacun se tient d'un côté. Follet regarde Track et lui
fait un signe de tête. Track porte doucement la main sur la clenche. Il
regarde Follet, surpris : la porte est ouverte. Ils entrent, l'arme
pointé. Dehors, Stuart les regarde avec anxiété.
Follet et Track sont maintenant dans la pièce principale, décorée très simplement. Il
n'y a personne et le silence est total. Track va voir une autre pièce, sur
la gauche, sans doute la cuisine. Il revient en secouant la tête. Follet
montre alors d'un signe de tête une porte fermée, sur la droite.
Doucement, ils se dirigent vers elle. Follet ouvre la porte et les deux
homme pointent leur arme en entrant.
A l'extérieur, Stuart n'en peut plus. Il se précipite vers l'entrée de la petite maison.
Susan le rattrape par le bras.
SUSAN : Qu'est-ce que vous
faites ? L'Inspecteur Follet vous a dit...
STUART : Je me moque de ce que dit Follet. Il se trouve que ma femme est peut-être
en danger et je dois aller voir... je dois y aller.
Il se dégage
et cours vers l'entrée. Finalement, Susan le laisse faire.
Stuart entre dans la pièce principale. Il entend du bruit et des murmures de
voix en provenance de la pièce qui se trouve sur la droite. Il se dirige
dans cette direction. La porte est ouverte et Stuart aperçoit Follet, assis sur le lit, penché sur une
personne couchée dont il ne voit pour l'instant que les pieds et les mollets. Track,
quant à lui, est
au téléphone.
TRACK : Oui, elle respire encore.
Stuart avance jusqu'au lit, et c'est à ce moment
qu'il
voit le visage de la jeune femme. C'est Kelly. Il se précipite vers elle.
STUART : Kelly... Oh, mon Dieu, Kelly.... Mais qu'est-ce qu'elle t'as fait ?
Sur la table de chevet, à côté du lit, se trouve une boite de médicament
vide, renversée. Stuart veut la prendre, mais Follet lui retient vivement
la main.
FOLLET : Non ! N'y touchez pas.
6
À GARDEN HILL, DANS LA
GRANDE SALLE
Des
enfants - une bonne vingtaine au total - sont regroupés sur une estrade.
En face d'eux se trouve un homme qui les dirige avec une baguette. Les
enfants, très professionnellement, chantent " Merry Christmas ". Le public
est composé des femmes séjournant à Garden Hill. Certaines écoutent avec
émerveillement, d'autres plus distraitement. C'est le cas de Jillie, qui
ne cesse de regarder Jessica, deux bancs plus loin. Sonny, de son côté,
est assis au dernier rang et ne cesse de fixer Jillie.
Les enfants terminent le chant et le public applaudit. Chris Garrett
arrive sur la scène, l'air faussement enjoué.
CHRIS : Merci à la Chorale des enfants de la Miséricorde. Ils sont géniaux,
n'est-ce pas ? Bien. Un buffet vous attend dans l'autre pièce. Passez une
bonne fin de journée, mesdames.
Les femmes se
lèvent dans un brouhaha.
Le buffet dressé est très alléchant, et l'on voit les femmes s'y
précipiter avec gourmandise. Ici, on ne sert que des jus de fruits et du
coca. Jillie se fraye un passage entre un groupe de femme pour retrouver
Jessica, qui, au buffet, se sert copieusement. Elle se tourne vers Jillie
lorsqu'elle arrive.
JESSICA
(l'air détaché) : Le saumon est une horreur. Je te le conseille pas. Il a sûrement été pêché
à Noël dernier.
Mais le
saumon semble être la dernière préoccupation de Jillie.
JILLIE : Je voulais te dire merci.
JESSICA : Et pour quoi ?
JILLIE : Tu sais bien pourquoi. Pour ne rien avoir dit à Chris Garrett. C'était
plutôt sympa de ta part.
JESSICA : Ne me remercie pas, tu veux. J'ai pas fait ça pour fayoter avec toi. Je me
demande vraiment ce que tu fous ici. La plupart des femmes qui sont à
Garden Hill, elles sont là pour s'en sortir. On dirait que toi, t'es trop
bien pour vouloir admettre que t'as un problème. Je vais te dire une bonne
chose, Perkins, arrête avec tes conneries. N'essaie plus de voir Sonny
pour mendier une bouteille d'alcool. Non mais tu te rends compte de ce que
tu fais ? T'es en train de te prostituer pour une bouteille de vodka... Tu
crois pas que t'as un problème, la ?
JILLIE : Je voulais simplement te remercier pour n'avoir...
JESSICA : Je ne sais pas si j'ai bien fait de l'avoir fermé. Ca ne va sûrement pas
t'aider. D'abord, tu fais de moi ta complice, et ensuite, tu continue à te
détruire à petit feu. C'est la première et dernière fois, Perkins. Si je
te vois encore rôder aux côtés de Sonny, je préviens Garrett. Parce que si
tu continues, tu finiras comme ce saumon ... (elle lui jette un morceau sur
l'assiette tout en la regardant) ... morte et défraîchie.
7
APPARTEMENT DE NANNE
Nanne est assise devant sa télévision géante, en train de regarder " La
vie est belle " avec James Stewart et Donna Reed. Émue par le film, elle
pleure. La sonnerie de la porte d'entrée retentit. Résignée, elle va
ouvrir et tombe nez à nez sur... un Père Noël. Malgré le déguisement bien
fait, on reconnaît, sous la barbe blanche et son costume rouge, Tim
O'Connell.
TIM (l'air
enjoué) : Oh...oh... oh... oh... mais on a un gros chagrin.
Il entre dans
l'appartement. Nanne, tellement surprise, ne sait pas quoi dire, ni
faire.
TIM : On va arranger ça, ma petite... Viens un peu ici...
Sans y avoir
été invité, il s'assoit sur le canapé et fait signe à Nanne de le
rejoindre à côté. Surprise, Nanne s'exécute.
TIM : Alors, ma petite Nanne. Tout d'abord, le Père Noël aimerait savoir si tu
as été gentille cette année.
Nanne
commence à se détendre. Elle rit.
NANNE : La plus gentille des petites filles, Père Noël.
TIM : Tu n'as pas eu de problèmes, alors ?
NANNE : Non, le problème c'était les autres. (elle ajoute, malicieuse) Et en
particulier une certaine personne qui s'appelle
Tim O'Connell
et qui a été très méchant avec moi.
TIM (se
laissant prendre au jeu) : Oh... oh... oh... oh.... celui là, je l'ai déjà corrigé. Il l'a bien
mérité et il a promit qu'il ne recommencerait plus. Et il m'a même chargé
d'un message pour toi, ma petite.
NANNE : Ah oui ? et lequel ?
TIM : Il m'a dit de te dire qu'il...
(il reprend sa voix habituel avec un brin
de nostalgie) ... qu'il était très amoureux de toi.
Nanne se sent
alors gênée. Un silence s'installe, rompu par Tim.
TIM : Oh... oh... oh... qu'est-ce que je dois lui répondre ?
NANNE : Qu'il vienne dîner à la maison ce soir, et qu'on en reparlera plus en
détail.
8
À L'HÔPITAL
GARDEN PLACE MEMORIAL
Stuart est debout devant la vitre de la salle de réanimation où se trouve
Kelly. Elle est encore inconsciente et l'on voit les infirmières prendre
soin d'elle. Stuart à la mine décomposée. Il est au côté de Follet.
FOLLET : Nous
avons pris des renseignements sur les propriétaires de la maison où se
trouvaient Marie Jo et Kelly.
Stuart le
regarde.
STUART : Et ?
FOLLET : Les
propriétaires sont en Europe depuis plus de trois semaines. On tente de
les localiser.
Le
docteur Kirios est dans la chambre. Il regarde par la vitre
Stuart, et décide d'aller le voir. Il arrive près de lui.
STUART
(impatient)
: Docteur, comment va-t-elle ?
KIRIOS : On lui a fait un lavage d'estomac. Elle a avalé un nombre incalculable de
somnifère. Ca n'a pas été facile, mais elle est hors de danger.
Stuart pousse
un soupir de soulagement.
ED : Stuart ! ! !
Du soulagement,
Stuart passe à une expression de profonde contrariété. Il se retourne.
STUART : Ed, je...
ED : Pouvez-vous m'expliquer pourquoi personne ne m'a prévenu ? ! Je me fais un
sang d'encre pour ma fille unique. La moindre des choses serait de
m'avertir, non ?
STUART : Vous êtes là, non ? C'est que quelqu'un vous a averti.
ED : Jenny m'a prévenu. C'est vraiment malheureux de voir que je suis prévenu
par la secrétaire du bureau, comme un vulgaire étranger. Vous auriez dû
m'appeler.
STUART (sarcastique)
: Kelly va bien. Merci de prendre de ses nouvelles.
ED : Tout ça c'est votre faute Stuart.
STUART : Qu'est-ce que vous voulez dire encore ?
ED : Cette Marie Jo... c'est une ancienne relation à vous, avouez le... Elle
refait surface maintenant et Kelly est en danger à cause de vous.
STUART (en
colère) : La ferme, Ed... Arrêtez de parler pour ne rien dire. Vous ne savez rien de
ma vie, ni de celle de votre fille. Vous débarquez ici comme un ouragan
pour me faire des reproches et sans même demander des nouvelles de votre
fille. Ou est votre intérêt ? A me rabaisser ou à prendre soin de Kelly ?
Ed accuse le
coup.
9
TRIBUNAL DE GARDEN PLACE
Frank est à la barre.
FRANK : Ca c'est passé l'année dernière à la même époque. Beth m'avait soi disant
emprunté 2000 dollars pour un projet, et j'ai appris en fait qu'elle était
partie en voyage avec Tim O'Connell. Elle ne m'a jamais remboursé ces 2000
dollars.
L'AVOCAT DE
BETH : Mais il me semble pourtant que vous avez un compte joint ?
FRANK : Oui, mais...
L'AVOCAT DE
BETH : Alors où est le problème, Monsieur Layton ?
FRANK : Le problème, c'est que je lui faisais confiance et qu'elle m'a trahit.
Le temps passe, et c'est maintenant Beth qui est à la barre.
BETH : Tim et moi sommes de bons amis, sans plus. Il n'a jamais été question que
je trompe mon mari. Je viens d'une famille très croyante, vous savez.
L'adultère est un mot que je bannis de mon vocabulaire.
MAITRE
PENLOCK (avocat de Frank) : Vous dîtes donc n'avoir jamais eu de relations intimes avec Tim O'Connell
?
BETH
(se sentant
offensée) : Non... bien sûr que non voyons.
Quelques temps plus tard,
Gil est à la barre.
GIL : Je trouve que Beth a un culot monstre. La liaison qu'elle entretient avec
Tim n'est un secret pour plus personne à Garden View. Tout le monde est au
courant.
L'AVOCAT DE
BETH : Vraiment, Monsieur Chabert ? Et comment le savez vous ?
Gil hausse
les épaules.
GIL : Combien de fois j'ai vu Tim entrer dans l'appartement de Beth pendant
l'absence de Frank !
L'AVOCAT DE
BETH : Et selon vous, le fait que Monsieur O'Connell vient rendre visite à Mme
Layton dans son appartement en l'absence de son mari signifie qu'ils
couchent ensemble ?
GIL (ne
sachant plus quoi dire) : Oui... enfin oui, je suppose...
L'AVOCAT DE
BETH : Vous supposez ? C'est justement là le problème, Monsieur Chabert. Votre
accusation n'est fondée que sur votre supposition. Maintenant dîtes moi,
avez vous déjà vu, de vos yeux vu, Tim O'Connell ayant des rapports
intimes avec Beth Layton ?
GIL
(exaspéré)
: Bien sûr que non, mais....
L'AVOCAT DE
BETH (l'interrompant) : Je n'ai plus d'autres questions, merci.
Beth revient à la barre.
BETH : J'ai ressenti comme un choc, vous comprenez. Lorsque je me suis promenée à
Great Garden et que j'ai vu Frank et Menley s'embrasser avec fougue et
passion, j'ai cru que le ciel me tombait sur la tête. Vous ne pouvez pas
vous imaginer la souffrance morale que j'ai subi.
C'est au tour de Menley
MENLEY : Frank et moi nous sommes connus l'été dernier. Je ne savais pas qu'il
était marié.
L'AVOCAT DE
BETH : Vous voulez dire qu'il vous a menti et qu'il a prétendu être célibataire.
Maître
Penlock se lève.
PENLOCK : Objection ! Il répond à la place du témoin.
LE JUGE
(impassible)
: Accordée. Maître Silks, veuillez laisser votre témoin s'exprimer.
SILKS : Très bien. Alors, Mlle Weaver, je formule ma demande autrement. Frank
Layton vous a-t-il menti ? A-t-il prétendu qu'il était célibataire pendant
vos vacances d'été ?
Menley
hésite, puis :
MENLEY
(faiblement)
: Oui.
SILKS : Je n'ai pas entendu, Mlle Weaver. Veuillez parler plus fort.
MENLEY : Oui.
SILKS : Et maintenant, entretenez-vous toujours des relations intimes avec M.
Layton ? Avant que vous ne répondiez, je vous rappelle que vous témoignez
sous serment.
MENLEY : Oui, mais uniquement parce que....
SILKS : Merci, Mademoiselle Weaver.
Frank est de nouveau à la barre.
FRANK : Je ne prétend pas être un saint. Je fais pas mal d'erreur de jugement,
mais je peux vous assurer que si Menley et moi entretenons une relation,
c'est parce que nous nous aimons, et aussi parce que je sais qu'entre moi
et Beth, c'est irrémédiablement terminé. Beth m'a fait trop souffrir, vous
comprenez.
10
AU CABINET DE MAÎTRE PENLOCK, DANS SON BUREAU
Menley et
Frank sont en face de lui. Le visage de Penlock exprime des craintes.
PENLOCK : C'est mal barré, c'est moi qui vous le dis. C'est vraiment mal barré pour
vous Frank. Silks est très fort, il a fait passé Beth pour une femme sans
reproches, bafouée par un mari menteur et volage.
FRANK : Mais c'est faux !
PENLOCK : Je le sais bien, mais le juge, lui, n'en sait rien.
MENLEY : Qu'est-ce qu'on peut faire ?
PENLOCK : Il nous reste encore une dernière chance...
11
À GARDEN HILL, EN
SOIRÉE
Mlle Judical est avec Jillie, dans une petite pièce qui sert de salon.
Elles sont seules. Jillie est assise sur un canapé et Mlle Judical sur une
chaise, près d'elle.
JILLIE : Aujourd'hui, nous avons eu droit à de très beaux chants de Noël. Ca m'a
réchauffé le cœur.
MLLE JUDICAL
: J'en suis ravie.
JILLIE : Que comptez-vous faire pour le réveillon de Noël ?
MLLE JUDICAL
: Et bien, j'espérais qu'on pourrait le passer ensemble, qu'en dites-vous ?
JILLIE
: Ce serait une bonne idée. Moi, vous, et Flora.
Le sourire de
Mlle Judical s'efface.
MLLE JUDICAL
: Flora ne sera pas parmi nous.
Jillie ne
demande pas d'explication. Un silence, puis la directrice reprend.
MLLE JUDICAL
: Comment se passe votre thérapie ?
JILLIE : C'est pas franchement génial. J'essaie de faire des efforts, mais je ne
comprends pas toujours tout ce que me dit Monsieur Garrett.
MLLE JUDICAL
: Un peu de patience, et ça ira.
JILLIE : Il y a un autre problème.
MLLE JUDICAL
: Ah oui ? Et lequel ?
JILLIE : C'est ma compagne de chambre, Jessica Reaset. Elle est toujours après moi.
Elle ne cesse de me crier après.
Elle me
déteste. En fait, j'ai peur d'elle. Je crois qu'elle est capable du pire
pour arriver à ses fins.
Mlle Judical
affiche un visage inquiet au récit de Jillie.
JILLIE : Vous ne voulez pas en parler à Chris Garrett ? J'aimerai changer de
chambre... je suis sûre qu'il vous écoutera. Parlez-lui s'il vous plaît.
12
DANS LE BUREAU DE CHRIS GARRETT, UN PEU PLUS TARD
Mlle Judical
est assise en face de Chris, qui lui est devant son bureau.
CHRIS : Je n'y comprends rien. Jessica est une fille très bien. Ca fait presque un
an qu'elle est ici. Elle a eu beaucoup de problème dans sa vie, mais elle
remonte la pente doucement, et en plus, ses autres compagnes de chambre ne
s'étaient jamais plaintes.
MLLE JUDICAL
: Est-il possible de changer Jillie de chambre ?
CHRIS : Mlle Judical, si on change Jillie de chambre, le problème ne sera pas
résolu. Jillie n'évolue pas comme elle devrait le faire. Tantôt elle se
renferme sur elle même et je n'arrive pas à la cerner, tantôt elle crache
son venin en pleine figure. Mais il n'y a aucune amélioration notable.
Elle ne fait pas d'efforts pour s'intégrer au groupe. Jessica n'est pas le
problème de Jillie. Son problème, c'est qu'elle doit s'accepter en tant
qu'alcoolique.
MLLE JUDICAL
: Pourtant, elle me semblait aller mieux.
CHRIS : Ce n'est qu'une façade.
13
AU GARDEN
PLACE MEMORIAL, DANS UN COULOIR
Stuart est au téléphone, qui se trouve accroché au mur du couloir.
STUART : Ed ? Je voulais simplement vous dire que Kelly s'est réveillée. Comme ça,
vous ne pourrez pas me reprocher à nouveau de ne pas vous avoir prévenu.
Puis il
raccroche aussi sec.
14
GARDEN
PLACE MEMORIAL, CHAMBRE DE KELLY
Kelly est assise sur son lit. A ses côtés, on trouve l'Inspecteur
et, assis sur une chaise, Stuart.
KELLY : Je vous assure, inspecteur, je ne me souviens de rien d'autre.
FOLLET : Vous dites donc que cette femme, Marie Jo, vous a forcé à prendre ses
somnifères ?
STUART
(excédé)
: Elle vous l'a déjà dit trois fois ! Je ne comprends pas pourquoi vous
tournez toujours autour du pot. Vous avez sa description, alors
qu'attendez vous pour lancer un avis de recherche ?
FOLLET (lui
aussi excédé) : Monsieur Farris, je ne doute pas de vos compétences en tant qu'avocat.
Mais côté enquête, laissez-moi la mener comme bon me semble et gardez vos
remarques pour vous. (il se tourne vers Kelly). Demain matin, à la
première heure, Susan Weight viendra vous voir pour établir un portrait
robot de la femme. Maintenant, excusez-moi, j'ai encore du travail qui
m'attend.
Sans attendre
de réponse, Il quitte la chambre. Stuart regarde Kelly en souriant.
STUART : Comment tu te sens ?
KELLY : Patraque. Très patraque, j'ai l'impression d'avoir bu trois bouteilles de
champagne.
Elle porte alors la main à son front en faisant une grimace.
STUART : Toujours ces maux de tête ?
KELLY : Oui, mais ça passe rapidement.
Ed Burnstein
entre alors en trombe dans la pièce et cours embrasser sa fille, sans même
un regard pour Stuart.
ED : Kelly, ma
chérie.... Comment vas-tu ? Je me suis fait un sang d'encre à ton propos.
KELLY : Je vais bien papa, ne t'inquiète pas.
ED : Je suis obligé de m'inquiéter quand je vois que tu es en danger constant à
cause de ton mari.
Stuart se
lève, en colère.
STUART : Ah, vous n'allez pas recommencer !
Ed se tourne
vers Stuart, et s'approche de lui, menaçant.
ED : Je vous préviens, Stuart. N'approchez plus de ma fille, vous m'entendez ?
Je ne veux pas qu'il lui arrive quoi que ce soit. Alors à partir de
maintenant, tenez vous à distance d'elle. Kelly reviendra vivre chez moi,
et si jamais vous l'approchez, je vous préviens que je mets tous les flics
de Garden Place derrière vous.
KELLY : Papa. Je ne reviens pas vivre avec toi.
Ed se
retourne vers Kelly.
ED : Quoi ?
KELLY : Ma place est auprès de mon mari.
ED : Mais enfin Kelly, tu n'y penses pas. Tant que tu resteras avec lui, tu
seras en danger...
KELLY : Papa, s'il te plaît, ne discute pas. J'aime Stuart et je sais qu'il a
déplacé des montagnes pour me retrouver. Je vais vivre avec lui. Il faut
que tu l'accepte.
Soudain,
c'est comme si tout un monde s'écroulait autour d'Ed. Son visage exprime
la douleur, celle de perdre sa fille. Il baisse la tête, comme vaincu,
puis se dirige vers la sortie. Stuart et Kelly le regarde, surpris par
cette réaction qui ne lui ressemble pas.
15
GARDEN HIGH STREET, LE SOIR
La grande rue de Garden Place est illuminée des décors de Noël. Beaucoup
de passants se pressent sur le trottoir. On reconnaît Nanne et Gil, qui
marchent tout en discutant.
NANNE : Écoute, Gil. Je ne comprends pas pourquoi tu prends la mouche.
GIL : Je ne lui fait pas confiance, c'est tout.
NANNE : Mais je t'assure qu'il a changé. Tim est devenu quelqu'un de charmant.
GIL : Et tu ne trouve pas ce changement trop brusque ?
NANNE : Tu es toujours sur la défensive. Arrête un peu. Tim s'est simplement rendu
compte de ses erreurs, et c'est très bien, non ?
Gil arrête
Nanne et la prenant par le bras, la force à le regarder.
GIL : Promets-moi de faire bien attention, Nanne. Je connais bien Tim et je ne
pense pas qu'il ait changé aussi brusquement. Sois prudente vis à vis de
lui. Tu veux faire ça pour moi ?
NANNE
(souriante)
: Tu sais bien que je ne peux jamais rien te refuser.
16
APPARTEMENT
DES LAYTON
Frank entre alors que Beth est assise sur le fauteuil. Elle se lève en le
voyant arriver.
BETH : Tiens donc, mon cher futur ex époux daigne venir faire acte de présence ce
soir.
FRANK (de
mauvaise humeur) : La ferme, Beth.
BETH : Il reste du poulet, tu peux le chauffer au micro ondes.
FRANK : C'est plutôt ta tête que j'ai envie de chauffer au micro ondes.
BETH : Ouh, mais c'est qu'il est de mauvaise humeur, monsieur. Tu t'es disputé
avec ta petite campagnarde ou quoi ?
Frank ne préfère pas répondre. Il se dirige vers la table basse, près du
fauteuil, et voit un tas de papier.
FRANK : C'est quoi ?
BETH : En fait, comme je vais gagner le procès en divorce, je suis en train de
faire l'inventaire de tout ce qui sera à moi. A commencer par
l'appartement et bien entendu les actions que tu possèdes de l'Unecain.
FRANK : Je trouve que tu vas un peu vite en besogne, ma chère.
BETH : Oh non, le juge pense que tu n'es qu'un moins que rien. Il ne te laissera
pas t'en sortir comme ça.
FRANK : Tu sais, je me suis toujours demandé ce que tu as contre moi.
BETH : Ne cherche pas, ce n'est plus la peine. Dès que le divorce sera prononcé,
je te laisse une journée pour faire tes bagages et dégager d'ici. Tu iras
vivre chez ta poule ou ailleurs, je m'en fiche, du moment que je ne te
vois plus, c'est le principal.
17
SUITE DE MLLE JUDICAL
Flora et Mlle Judical sont en train de manger une soupe. Le moins que l'on
puisse dire, c'est que l'ambiance n'est pas vraiment chaleureuse. On
entend que le bruit des cuillères contre les assiettes. C'est Flora qui
finalement rompt le silence.
FLORA : Joe m'a demandé de l'accompagner à Rome pour les vacances. J'ai décidé
d'accepter.
Mlle Judical
laisse tomber sa cuillère dans l'assiette et le bruit fait sursauter
Flora.
MLLE JUDICAL
: Félicitations, ma chère. Tu as finalement obtenu ce que tu voulais.
FLORA : Ne rends pas les choses plus compliquées qu'elle ne le sont déjà.
MLLE JUDICAL
: C'est toi qui les complique, les choses. Et d'abord, qu'est-ce que tu fais
de nos traditions, hein ? Ca fait plus de trente ans qu'on fête Noël
ensemble. On formait une famille rien que toi et moi, et maintenant, tu
gâches tout.
FLORA : Ne me rends pas responsable de tes erreurs.
MLLE JUDICAL
: Mes erreurs ? Mais de quoi tu parles ?
FLORA : Tu avais tout le loisir d'accepter de passer Noël avec Joe, je t'y ai même
encouragé... et c'est toi qui a tout gâché parce que tu avais la trouille
de partir avec lui.
MLLE JUDICAL
: J'ai décidé de rester pour Jillie. Tu devrais comprendre ça, non ?
FLORA : Tout ce que je comprends Alice, c'est que tu n'es pas bien dans ta peau en
ce moment.
MLLE JUDICAL
: Est-ce que tu l'aimes ?
FLORA : Quoi ?
MLLE JUDICAL
: Tu as très bien compris Flora. Je te demande si tu es amoureuse de Joe.
FLORA : Je ne préfère même pas répondre.
MLLE JUDICAL
: Alors tu l'aimes ! C'est ça. Maintenant qu'il est libre, tu te jettes sur
lui comme un fauve sur un morceau de viande.
C'en est assez pour Flora. Elle se lève, en colère.
FLORA : J'en ai assez entendu pour aujourd'hui. Je crois que tu crèves de
jalousie. Tu es encore amoureuse de Joe et tu ne supporte pas de savoir
qu'il va partir avec une autre femme. Finalement, il a raison quand il dit
que tu ne sais pas ce que tu veux dans la vie. Je vais te le dire
maintenant : je ne suis pas amoureuse de Joe, mais je me sens bien à ses
côtés. Nous partons en vacances comme des amis, et certainement pas comme des amants.
Et crois moi, je ne regrette pas ma décision ; je préfère mille fois mieux
passer les fêtes en compagnie d'un homme charmant et formidable plutôt
qu'en compagnie d'une vieille radoteuse qui raconte n'importe quoi.
Maintenant, excuse-moi, mais je dois préparer mes bagages. Je pars demain
en fin de matinée.
C'est la première fois qu'on voit Flora en colère.
18
À
CORONELL
STREET
Sibella est dans sa petite boutique de voyante que lui a construit
Charlie. Ce dernier la regarde de loin, admirant son travail. Sibella est
avec une femme pour une consultation.
SIBELLA : Je crois que vous savez maintenant comment gérer votre destin, Stefanie.
Allez-y doucement. Ne précipitez pas les choses. Et surtout Stefanie,
surtout (elle pose les mains sur les siennes) ... arrêtez de vouloir
toujours faire plaisir aux autres.
STEFANIE : J'ai peur de faire souffrir Izaac si je le quitte.
SIBELLA : Vous allez le faire si vous ne le quittez pas. Croyez-moi, il vaut mieux
être franche dans ce genre de situation. Parce que si vous ne le quittez
pas, vous allez être malheureuse, et Isaac sera malheureux de vous voir
malheureuse. Si vous persistez à vouloir faire plaisir aux autres à vos
propres détriments, vous vivrez toujours votre vie par procuration. Et ce
n'est pas ce que vous voulez, n'est-ce pas ?
Stefanie sourit. Elle sort un billet de 50 dollars qu'elle tend à Sibella.
STEFANIE : Merci Sibella. J'ai compris maintenant.
SIBELLA : Tenez-moi au courant.
Stefanie s'en
va et Charlie s'approche, avec un sourire.
CHARLIE : Je vous admire beaucoup, Sibella Calvin. Vous êtes une femme
exceptionnelle.
SIBELLA (avec
affection) : Et vous un vieux fou radoteur.
Un homme,
imposant, arrive près de la petite cabane de fortune. Il s'appelle Jim
Falcus.
JIM : Excusez-moi, messieurs dames. Je voudrais m'entretenir avec vous si vous
n'y voyait pas d'inconvénient.
SIBELLA : Ce sera 50 dollars.
JIM : Non, non. Je ne viens pas en consultation. Je m'appelle Jim Falcus, et je
suis le propriétaire du drug store.
CHARLIE
(s'attendant au
pire) : Ah.
JIM : Oui, je voulais vous dire que vous ne pouvez pas rester ici.
SIBELLA : Et
pourquoi ça, jeune homme ?
JIM : Parce que le terrain où vous avez bâti ce petit cabanon appartient au drug
store.
CHARLIE : Très bien, et vous voulez qu'on vous paye un loyer, c'est ça ?
JIM : Non, je veux que vous dégagiez d'ici. Vous gênez le passage de ma
clientèle.
SIBELLA : Je ne vois pas en quoi le fait de se trouver près du magasin gêne le
passage de la clientèle. Vous racontez n'importe quoi, monsieur.
CHARLIE : Au contraire, ça peut vous faire de la pub.
JIM : C'est le genre de pub dont je peux me passer. Je n'aime pas les
charlatans.
SIBELLA : Non mais ! Comment ose-t-il me traiter de charlatan
! Vous ne savez pas à
qui vous vous adressez Monsieur.
JIM : Je m'adresse à une personne qui doit déguerpir le plus vite possible de
cet endroit.
CHARLIE : Ce n'est pas l'amabilité qui vous écorche la bouche, vous !
SIBELLA :
Ecoutez, on ne fait absolument rien de mal ici. J'exerce mon métier comme
n'importe qui et...
JIM : C'est quoi votre métier ?
SIBELLA : Je suis voyante...
Jim rit.
JIM : Ce soir, je ne veux plus rien voir de ce vieux tas de bois, vous
m'entendez ?
Puis il s'en
va. Sibella regarde Charlie.
SIBELLA : Qu'est-ce qu'on va faire ?
CHARLIE : On laisse passer. Peut-être qu'il va se calmer, après tout.
19
BUREAU DE JOE KRUEGER
Lacey entre dans le bureau. Elle voit alors une grosse valise posée sur le
bureau du directeur du journal. Ce dernier, en train de la fermer, lève la
tête et sourit.
JOE : Lacey ! Quelle bonne surprise.
LACEY :
Je vous dérange peut-être.
JOE : Mais non pas du tout. Entrez voyons.
LACEY (désignant d'un signe de tête la valise) : Vous partez ?
JOE : Oui. Dans deux heures, mon avion décolle via
l'Italie et loin des soucis de
Garden Place.
LACEY : Alors je crois que je vais vous laisser. Vous devez avoir pas mal de
choses à régler...
JOE : Mais non, voyons. Je suis content de vous revoir. Dites-moi ce qui vous
amène.
Lacey
s'assoit sur une chaise devant le bureau.
LACEY : C'est au sujet de ma mère.
JOE : Sibella ? Vous avez de ses nouvelles ?
LACEY : Non, justement. Autant que vous le sachiez, nous nous sommes quittés en
mauvais termes. En fait, je l'ai mise à la porte. Je sais que je n'aurais
jamais dû faire une chose pareille. C'était stupide.
JOE : Et maintenant, vous le regrettez.
LACEY : Oui. Les fêtes sont là et elle me manque. Je me demande où elle se trouve
en ce moment.
JOE : Lacey, en quoi puis-je vous aider ?
LACEY : Ca aurait été bien si... enfin, si vous auriez pu publier un article dans
votre journal, disant que je la recherche et que je voudrais passer Noël
avec elle. Si elle lit l'article, elle reviendra.
JOE : Voyons, nous sommes le 23 aujourd'hui. Demain, c'est le réveillon. Voilà
ce que je vous propose : Dan, mon bras droit, va s'occuper de cette
affaire. Il va faire au mieux pour que l'article paraisse demain, le jour
du réveillon, qu'en pensez-vous ?
LACEY : Ce serait formidable, mais je ne voudrais pas...
JOE : Nous déranger ? Pas du tout, au contraire, ce sera notre article de Noël,
un très joli message qui aura de quoi émouvoir toutes les classes de la
population. Vous y trouverez votre compte et moi le mien puisque je suis
sûr qu'on va vendre davantage d'exemplaires demain.
LACEY
(souriante) : Vous êtes vraiment un chic type, Joe.
20
SALLE D'AUDIENCE DU TRIBUNAL DE GARDEN PLACE
Tout le monde est à sa place. Beth est avec son avocat et Frank avec
Penlock, tandis que le juge est assis sur son siège.
LE JUGE : Très bien. J'ai donc entendu tous les témoins et...
Penlock se
lève.
PENLOCK : Votre Honneur ?...
Le juge le
regarde.
LE JUGE : Oui Maître Penlock ?
PENLOCK : Si vous le permettez, j'ai un autre témoin à produire à la barre.
Beth fronce
les sourcils tandis que Silks se lève.
SILKS : Votre Honneur, c'est inadmissible !
LE JUGE : Pourquoi votre témoin n'est pas sur la liste ?
PENLOCK : Parce qu'il ne voulait pas témoigner. Mais mon client l'a finalement
persuadé.
BETH (à
l'oreille de Silks) : Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
LE JUGE
(soupirant)
: Très bien. Appelez votre témoin, alors.
PENLOCK : J'appelle à la barre Tim O'Connell.
Les portes de
la salle s'ouvrent et Tim apparaît. Beth le regarde, anxieuse.
Tim est
maintenant à la
barre. Penlock l'interroge.
TIM : Beth et moi avions une relation intime pendant presque deux ans. On se
voyait tous les jours pratiquement, lorsque
Frank était à
l'Unecain.
PENLOCK : Qui a engendré cette relation ?
TIM : C'est Beth. Elle me tournait autour depuis pas mal de temps. Elle disait
que son mari l'ennuyait, qu'elle voulait de
nouvelles
sensations. Je pense que Frank l'aimait profondément à cette époque, mais
Beth s'en fichait.
Sur son siège, Beth commence à s'énerver.
BETH (entre
ses dents) : Tu vas me le payer cher...
PENLOCK : Vous n'êtes plus ensemble, maintenant ?
TIM : Non, depuis quelques mois, c'est fini entre nous.
PENLOCK : Pourquoi ?
TIM : Parce que Beth m'a entraîné dans une drôle d'aventure.
PENLOCK : C'est à dire ?...
TIM : Elle voulait que je fasse du charme à Menley pour que Frank puisse rompre
sa relation avec elle. Et comme je ne voulais pas, elle m'a traité comme
un moins que rien... et nous avons rompus.
Beth se lève.
Elle est en colère.
BETH
(criant)
: Ce n'est pas vrai ! Ca ne s'est pas passé comme ça ! Espèce de sale
menteur.... !
Le juge tape
sur la table avec son marteau.
LE JUGE : Maître Silks, veuillez calmer votre cliente ou bien je suspend
l'audience.
Silks se lève
et parle à l'oreille de Beth.
SILKS : Calmez-vous, pour l'amour du ciel.
Beth et Silks
se rassoient.
TIM : Je demande pardon à Frank pour le mal que j'ai pu lui causer. Vraiment.
PENLOCK : Avez-vous quelque chose à rajouter, Monsieur O'Connell ?
TIM : Oui... j'aimerais bien récupérer mes meubles.
PENLOCK : Vos meubles ?
TIM : J'avais besoin d'argent, et Beth a insisté pour me prêter 8000 dollars. (on voit alors Beth qui écarquille les yeux tant elle ne croit pas se
qu'elle entend). Et comme je
n'arrivais pas à rembourser la somme, elle a prit tous mes meubles.
Maintenant, je me retrouve sans rien. Je lui avais pourtant dit que je la
rembourserai en début d'année prochaine, mais elle n'a rien voulu savoir.
Beth se lève
à nouveau, son corps entier est tendu par la colère.
BETH : Mais il ment !... c'est lui qui m'a volé les 8000 dollars...
Le juge tape
sur la table avec son marteau.
LE JUGE : Ca suffit ! J'en ai assez entendu ! L'audience est suspendu. Nous
reprendrons les débats cet après-midi.
BETH
(criant)
: Espèce de salopard ! Tu vas regretter ce que tu m'as fait.
Frank, lui,
est satisfait de la tournure que prennent les événements.
21
SUITE JUDICAL, DANS LA
CHAMBRE DE FLORA
Elle prépare ses bagages.
On toque à la porte. La non voyante s'arrête un instant.
FLORA : Entre.
Mlle Judical
apparaît sur le pas de la porte.
MLLE JUDICAL
: Joe est ici.
FLORA
(amère)
: Si tu ne l'as pas jeté dehors, va donc lui dire que j'ai presque fini.
Mlle Judical
s'avance près de Flora.
MLLE JUDICAL
(l'âme en peine) : Flora, je... je voulais te dire. Je sais que j'ai fait pas mal d'erreurs,
et j'ai beaucoup réfléchi. La vieille radoteuse que je suis te dois des
excuses. Nous sommes amies depuis tant d'années. Je ne veux pas briser
notre amitié Flora. (elle a la gorge nouée et des larmes coulent sur ses
joues).Je t'aime....
Flora éclate
en sanglot et se jette dans les bras de la directrice de l'Unecain.
FLORA : Moi aussi je t'aime, Alice. Noël ne sera pas la même chose sans toi. Joe
comprendra...
MLLE JUDICAL
: Non Flora, non ! Ne décommande pas ton voyage à Rome. Tu vas t'amuser
là-bas. Tu vas découvrir des tas de choses, rencontrer des tas de gens. Tu le
mérite bien. (un petit silence, puis elle ajoute)
Et quant à moi, je
vais en profiter pour faire le point sur moi. Je veux savoir où j'en suis,
et le fait de rester seule m'y aidera sûrement.
FLORA : Je regrette les paroles que je t'ai dites hier soir...
MLLE JUDICAL
: C'est du passé maintenant, n'en parlons plus. Je te souhaite le plus
merveilleux de tous les Noël.
A nouveau,
elles s'embrassent.
22
DANS L'APPARTEMENT DE LACEY
Lacey est avec Gil. Elle essaie de mettre un sapin de Noël droit sur une
table. Le sapin est totalement cagneux. Lacey le tient pendant que Gil
s'efforce de le mettre sur un support.
LACEY : Je crois surtout que Nanne est une fille très vulnérable en ce moment.
GIL : Oui, et ça me fait vraiment mal au cœur de savoir que ce crétin de Tim lui
court encore après.
LACEY : D'après ce que m'a dit Menley, Tim a plutôt assuré au procès du divorce de
Frank.
GIL : Tu ne vas pas toi aussi te mettre de son côté...
LACEY
(haussant les épaules et d'un air dégagé) : Tout ce que je disais...
Ils
s'éloignent du sapin pour le regarder. Il est vraiment bizarre, car tout
tordu. Gil regarde Lacey.
GIL : On peut savoir où tu as trouvé cet horreur ?
LACEY : C'est le dernier qui leur restait.
Le sapin
tombe de sa cale et de la table rouge. Lacey cache son visage dans ses
mains.
LACEY : Oh, non...
C'est alors
qu'on sonne à la porte. Lacey va ouvrir. Stuart est en face d'elle.
LACEY : Stuart ! Quelle bonne surprise. Entre, je t'en prie.
STUART : Je ne voudrais pas te déranger.
(puis, voyant Gil) Salut Gil.
GIL : Stuart, comment tu vas ?
STUART : Ca peut aller. Je suis venu vous faire mes excuses pour vous avoir mal
traité alors que vous ne souhaitiez que m'aider.
LACEY : N'en parlons plus. Dis-moi plutôt comment va Kelly.
STUART (avec
un petit sourire) : Beaucoup mieux... Elle sort ce soir.
LACEY : Génial.
Voyant que
Gil essaie de redresser l'arbre, Stuart va lui donner un coup de main.
GIL : Tu as des nouvelles de... Marie Jo ?
STUART : Non. Elle m'avait donné un nouveau rendez-vous mais encore une fois elle
n'est pas venue. Tu sais... j'essaie vraiment de me creuser la tête pour
savoir qui peut être cette Marie Jo... J'ai pensé à une ancienne cliente
que j'ai défendu et qui aurait perdu son procès par ma faute...
LACEY : Il ne doit pas y en avoir des tonnes...
Le sapin est
redressé. Les trois personnes le regardent. Il penche... il penche... et
tombe encore.
LACEY : Cette fois, j'en est assez. On va le mettre dans un coin de la pièce, à
même le sol, et puis basta !
Elle prend le
sapin d'une façon comique et le pose par terre, contre le coin de la
pièce. Gil et Stuart la regarde faire.
On sonne à
nouveau.
LACEY : Décidément, c'est la journée des visites...
Elle va
ouvrir et voit Menley.
LACEY (pour
rire) : Réception de l'appartement de Lacey Calvin, bonjour... que puis-je pour
vous ?
Menley
affiche un regard triomphant et ignore la remarque de Lacey.
MENLEY : Bingo !
Elle entre
dans l'appartement.
GIL : Tu as gagné au loto ?
MENLEY : Non, c'est mieux que ça...
(elle voit Stuart). Stuart, je suis contente
que tu sois là. Je crois avoir trouvé la réponse.
LACEY : La réponse à quoi ?
MENLEY : A l'énigme Marie Jo.
STUART : Menley... je ne voudrais pas te paraître désagréable, mais à chaque fois
que tu as fourré ton nez dans mon histoire, ça c'est terminé en
catastrophe.
MENLEY : Non, non... j'ai bien réfléchie. Je crois savoir qui est Marie Jo.
Les trois
personnes la regardent avec un mélange d'inquiétude et d'espoir.
GIL : Et ?...
MENLEY : Jane Stombisky ! Ca ne peut être qu'elle ! Souviens-toi Lacey. Quand nous
sommes allés la voir, la haine qu'elle éprouvait vis à vis de Stuart.
LACEY : Oui, tu as raison...
(elle se tourne vers Stuart). Je crois même qu'elle a
dit qu'elle voudrait te voir mort.
Stuart
réfléchit.
STUART : Elle m'en a toujours voulu de la mort de sa
sœur. Elle est persuadée que
je l'ai poussé dans le lac le soir du bal de promo.
GIL (levant
les bras pour faire l'arbitre) : Attendez... attendez... Pourquoi Jane aurait-elle attendu de si longues
années avant de mettre au point une vengeance ?
STUART : Parce que les deux détectives de choc que tu as devant toi lui ont ranimé
la mémoire.
Lacey et
Menley font la grimace en pensant au jour où elles sont allées voir Jane
chez elle à Sacramento, à l'époque où elle croyait Stuart coupable.
LACEY : C'est peut-être notre faute ce qui arrive en ce moment.
23
DANS LE JARDIN DE GARDEN
HILL
Jillie se promène dans une allée bordée de fleurs lorsque Jessica surgit
derrière elle et, d'un geste de la main, lui prend l'épaule pour que
Jillie se retourne vers elle. Jessica est en colère. Elle frappe Jillie au
visage. Cette dernière accuse le coup.
JESSICA : Je sors du bureau de Garrett. Non mais qu'est-ce qui t'as pris de raconter
toutes ces choses sur moi ? T'es vraiment malade Perkins. Mais je te
préviens que tu marches sur un terrain miné, ma vieille. Tu me refais un
coup pareil et je te prie de croire que non seulement Garrett, mais toutes
les filles de Garden Hill vont savoir que tu te payes Sonny pour une
bouteille de vodka. (elle approche son visage décomposée par la colère de
celui de Jillie et dit, menaçante) Est ce que je me suis bien fait
comprendre ?
Jillie, se
sachant en tort, ne dit rien et se contente de regarder Jessica.
24
CHEZ BRONSKI
Nanne est à une table, un diabolo menthe devant elle. Tim arrive dans le
café, regarde autour de lui et la voit. Il va vers elle.
TIM : J'ai reçu ton message et je suis venu aussi vite que possible. Tu n'as pas
de problème, j'espère.
Tim semble
inquiet, et Nanne sourit.
NANNE : Non, pas de problème. Assieds toi.
Il s'exécute.
La serveuse arrive. Tim la regarde.
TIM : Un café.
La serveuse
s'éloigne nonchalamment.
NANNE : Je voulais simplement te dire que j'ai appris ce qui s'est passé au
tribunal. Tu as pris la défense de Frank, c'était très sympa de ta part.
TIM
(heureux)
: Je n'ai fait que ce que je croyais juste.
NANNE : Tu as fait plus encore. Il t'as fallu beaucoup de courage pour témoigner
tes erreurs passées. Je voulais que tu saches que j'apprécie beaucoup. En
fait, je suis très impressionnée par ton changement soudain.
TIM : Disons que depuis que je ne suis plus avec Beth, j'ai ouvert les yeux sur
pas mal de choses.
NANNE : Je voulais te dire aussi que j'avais passé une bonne soirée en ta
compagnie la dernière fois.
TIM : Tu es une cuisinière hors paire. On recommence quand tu veux.
NANNE : Pourquoi pas demain ?
TIM : Le soir du réveillon ?
NANNE : Oui... à moins que tu aies d'autres projets.
TIM : Non, non... je serais ravi de passer le réveillon de Noël avec la plus
charmante des filles de Garden Place.
Ils se sourient.
25
APPARTEMENT DES FARRIS, PIÈCE PRINCIPALE
Nanne et Tim arrivent en riant.
NANNE : J'espère que nous ne sommes pas en retard.
Dans la pièce
se trouvent Menley, Lacey et Gil qui considèrent les nouveaux arrivés avec
surprise, et une petite part de réserve. Gil affiche son mécontentement.
Sur un pan du mur de la pièce principale, en haut, il y a une affiche ou
il est inscrit " BON RETOUR KELLY ".
Après un temps de silence qui paraît une éternité. Menley prend finalement
la parole.
MENLEY : Non, pas du tout... Stuart et Kelly ne sont pas encore arrivés.
LACEY : Je vous sers quelque chose ? Stuart nous a dit de faire comme chez nous,
alors je ne vais pas me gêner.
TIM : Un martini pour moi.
NANNE : Je prendrai quelque chose après.
LACEY : Et un martini... un !
Et elle va au
bar le servir. Menley prend Nanne a part et s'entretient avec elle. Tim
regarde Gil qui ne cesse de le fixer. Il se dirige à pas lent vers lui.
TIM : Y'a un problème ?
GIL : C'est toi le problème. Pourquoi est-ce que tu cours après Nanne ?
TIM : Je suis amoureux d'elle. Ca te dépasse, hein ?
GIL : Je ne veux pas qu'elle souffre à nouveau.
TIM : Tu ne serais pas un peu jaloux, par hasard ?
GIL
(menaçant)
: Je te préviens, O'Connell. T'as plutôt intérêt à ne pas lui faire de mal,
parce que sinon, je te jure que tu le paieras très cher.
TIM (d'un air
de défi) : J'en ai rien à faire de tes menaces, Chabert.
Lacey est à
l'interphone.
LACEY : Oui, George, merci beaucoup.(elle raccroche puis se tourne vers les
autres en levant les bras pour faire silence). Attention tout le monde !
Ils arrivent !
Menley ferme
la lumière et se place avec les autres, devant le panneau de bienvenue.
Stuart ouvre la porte et on le voit avec Kelly. Il allume la lumière, et…
GIL, MENLEY,
LACEY, NANNE, TIM (ensemble) : SURPRISE ! ! !
Kelly
sursaute. Devant elle, les cinq professeurs lui sourient. Mais Kelly ne
fait pas une bonne tête. Elle semble perturbée par cet effet de surprise.
Les sourires s'effacent alors pour laisser place à de la gêne. Kelly
avance, regarde tour à tour ses cinq collègues. Stuart reste sur le pas de
la porte, ne sachant trop que faire.
KELLY : C'est.. c'est… enfin oui, c'est une surprise.
LACEY : Nous sommes venus te souhaiter un bon retour, Kelly. Juste histoire de te
dire que nous sommes avec toi dans tes épreuves.
Stuart
s'avance.
STUART : En fait, c'était mon idée,
chérie. Je voulais te faire un peu oublier
toutes ces histoires.
KELLY : C'est vraiment très gentil… oui, ça part d'un bon sentiment… mais je suis
désolée… je suis un peu fatiguée…
MENLEY : Oui, on comprend.
KELLY : Je m'excuse vraiment, mais il faut que j'aille me reposer.
Elle se
dirige vers la chambre. Tout le monde la regarde. Arrivée près du palier,
elle se retourne.
KELLY : Mais que cela ne vous empêche pas de faire la fête. Stuart, sers nos hôtes
comme il se doit. Je vais juste aller me reposer un peu, et je reviens,
d'accord ?
Nos cinq
personnages se détendent. Ils pensent que les choses sont claires
maintenant.
Arrivée dans sa chambre, Kelly referme la porte derrière elle, s'y adosse et pousse un soupir, puis
met sa main sur son front en fronçant les sourcils.
26
CORONELL
STREET, EN FIN DE JOURNÉE
Sibella et Charlie marchent côte à côte. Sibella porte un grand sac. Elle
est heureuse. A ses côtés, Charlie est tout aussi ravi.
SIBELLA : On a vraiment fait des folies.
CHARLIE : C'est Noël, voyons ! On peut se permettre toutes les folies.
SIBELLA : Si on m'avait dit encore il y a une semaine que je mangerai du foie gras
le soir de Noël… Je peux vous dire une chose, Charlie ?
CHARLIE : Tout ce que vous voulez, sauf si c'est pour me critiquer…
SIBELLA : Je crois que c'est le plus beau Noël que je vais passer… sauf que…
Elle
s'interrompt, soudain fort mélancolique.
CHARLIE (l'encourageant à parler) : Sauf que… ?
SIBELLA : Oh, rien. Je pensais à Lacey, ma fille.
CHARLIE : Vous auriez aimé passer Noël avec elle ?
SIBELLA : Mais je le passe avec vous…(elle le regarde avec un sourire) et je
remercie le ciel pour ça.
CHARLIE (ému par ces paroles) : Vous le pensez vraiment ?
SIBELLA : Depuis le temps qu'on se connaît, vous devriez savoir que je dis toujours
ce que je pense.
CHARLIE : Vous allez me faire pleurer…
Il regarde
droit devant soi, et soudain s'arrête.
CHARLIE : Oh, mon Dieu.
Sibella
regarde dans sa direction et son sourire s'efface. La petite cabane faite par Charlie totalement détruite.
Sans dire un mot de plus,
Sibella et Charlie vont voir Jim Falcus dans son drug store. Derrière le comptoir, ce
dernier fait semblant de faire ses comptes de fin de journée. Sibella et
Charlie sont en colère.
SIBELLA : Comment avez-vous osé faire une chose pareille ?
JIM (sans la
regarder et prenant un air détaché) : Je ne vois pas de quoi vous parlez.
SIBELLA : Oh, arrêtez vos simagrées, je parle de notre cabane. Vous n'aviez pas le
droit de faire ça.
JIM : Cette cabane était sur mon terrain.
CHARLIE : Nous faire ça la veille du réveillon de Noël… vous n'avez donc pas de cœur
?
Continuant à
faire ses comptes, Jim Falcus ne répond pas.
CHARLIE : Venez Sibella. Ne restons pas ici…
SIBELLA : Mais il ne va pas s'en tirer comme ça, tout de même.
JIM (levant
enfin la tête) : Qui vous dit que c'est moi qui ait détruit votre… espèce de cabanon miteux
? Et même si je l'aurais fait, j'étais dans mes droits. Vous étiez sur ma
propriété et vous importuniez mes clients.
SIBELLA : Vos clients étaient bien contents de mes consultations.
JIM : Vos consultations, parlons-en. Escroquer les gens en leur disant ce qu'ils
veulent entendre et n'importe quoi d'autre, moi j'appelle pas ça des
consultations. J'appelle ça plumer de pauvres gens qui ont du mal à s'en
sortir. Maintenant, excusez-moi, mais nous allons fermer. Si vous voulez
acheter quelque chose, faites-le tout de suite. (il ferme son livre de
compte et les regarde en souriant méchament) Joyeux Noël, messieurs dames.
Sibella et Charlie sortent du magasin. Sibella soupire.
SIBELLA : Qu'est-ce que nous allons faire, maintenant ?
CHARLIE : Nous n'avons pas le choix : nous allons devoir retourner chez les sans
abris.
SIBELLA
(plaintive)
: Moi qui voulais tant passer le réveillon seule avec vous, dans cette
merveilleuse petite cabane.
CHARLIE : Allons Sibella, soyez positive… dites-vous qu'il nous reste encore plein
de réveillons à passer seuls ensemble.
Sibella lui affiche un pauvre sourire.
SIBELLA :
Vous et votre positivité !
CHARLIE
(haussant les épaules) : Hé !
27
DANS UNE RUE DE SACRAMENTO,
LE LENDEMAIN MATIN
La voiture de Menley roule doucement dans la rue.
LACEY : Qu'est-ce que tu fais pour le réveillon ce soir ?
MENLEY : Je le passe en tête à tête avec Frank. Le procès est suspendu pendant les
fêtes, et nous avons besoin de nous détendre. Et toi ?
LACEY (essayant de prendre un air détaché) : Oh, moi ? J'en sais encore trop rien. Je verrais bien.
MENLEY : Nous
sommes arrivées.
La voiture
s'arrête devant une maison que nous avons déjà vu. Il s'agit de la
résidence de Jane Stombaski. Menley et Lacey descendent de la voiture.
LACEY : On aurait peut être dû prévenir la police. On joue encore les détectives
amateur, ça ne va pas leur plaire.
MENLEY : On va d'abord voir par nous-même, ensuite on préviendra la police si
besoin est.
LACEY : Ouais, je n'attendais pas
d'autre réponse de ta part.
Elles
arrivent sous le porche et Menley sonne. Une personne que nous ne
connaissons pas ouvre la porte. Il s'agit d'une femme assez jeune, environ
30 ans, portant un bébé sous le bras. Elle sourit aux deux femmes.
LA FEMME : Oui ?
Menley et
Lacey sont un peu déconcertée de ne pas voir Jane ouvrir.
MENLEY : Oui… heu… excusez-nous. Nous cherchons Jane Stombiski.
La jeune
femme fronce les sourcils.
LA FEMME : Qui ça ?
LACEY : On s'est peut être trompées de rue, Menley ?
MENLEY : Non, non … je suis sûre que c'est là. Une dame qui s'appelle Jane
Stombaski habite dans cette maison.
LA FEMME : Ah, vous voulez sans doute parler de l'ancienne locataire…
LACEY : Mais pourtant nous sommes venues il y a peu de temps la voir et…
LA FEMME : Oui, son départ a été très précipité. C'est une chance pour nous. Nous
cherchions une maison rapidement, et le propriétaire nous a dit que
l'ancienne locataire est partie sans même respecter son préavis.
MENLEY : Quand ?
LA FEMME : Il y a deux semaines environ.
Après avoir remercié la dame, Menley et Lacey
retournent à leur voiture.
MENLEY : Son départ correspond à peu de chose près à la date de l'apparition de
Marie Jo dans la vie de Stuart et Kelly.
LACEY : Oui, et le fait qu'elle est partie comme ça du jour au lendemain sans
laisser d'adresse… Menley, je crois que tu avais raison : Jane Stombiski
EST Marie Jo !
Un silence,
pendant lequel Menley et Lacey se regardent.
LACEY : Et qu'est-ce qu'on fait, maintenant ?
MENLEY : On cours prévenir Follet.
28
AU CABINET BURNSTEIN, DANS LE BUREAU D'ED
Assis à son bureau, Ed déprime totalement. Méticuleusement, il est en
train de découper des petits bonhommes avec du papier qui semble être des
documents officiels. Son regard est vide, comme ailleurs, dans un monde
qui n'appartiendrait qu'à lui. Pendant cette scène, l'interphone sonne,
mais il ne décroche pas. L'entend-t-il vraiment ? La sonnerie s'interrompt
et quelques instants après, on toque à la porte. Ed ne réagit toujours
pas. Alors la porte s'entrouvre sur Jenny, sa secrétaire.
JENNY : Monsieur Burnstein ?
Ed est
toujours plongé dans la confection de ses bonhommes. Jenny avance. Elle
voit alors le désastre. Elle prend une série de bonhommes en papier et la
regarde, effarée.
JENNY : Mais Maître ! Ce sont nos dossiers clients !
Ed lève un
visage résigné et fatigué vers Jenny.
ED : Quels clients, Jenny ? Nous les perdons tous au fur et à mesure.
(il
soupire) Je crois que c'est fini, Jenny. (il prend une paire de ses œuvres
dans la main) Toutes ces années de dur labeur... J'en ai sué pour arriver
à faire de cette boîte le meilleur cabinet de Garden Place. Et maintenant,
d'un coup d'un seul, tout est réduit à néant. (il regarde Jenny) J'étais
le meilleur, Jenny. Je savais comment appâter le client, comment le faire
manger dans ma main. J'ai gagné plus de procès que les cinq autres
cabinets de la ville réunis. Je suis un bon avocat. Ce n'est pas juste,
Jenny. Ce n'est pas juste. (il commence à pleurer comme un enfant)
Qu'est-ce que je vais faire, maintenant ? Ma seule raison de vivre était
ma fille et mon cabinet. Et je les ai perdu tous les deux.
Jenny ne dit
rien. Elle se contente de regarder Ed, désolée de ce qui lui arrive.
29
UNE RUE A GARDEN PLACE
Sibella et Charlie marchent ensemble dans la rue. Sibella, déprimée,
soupire.
SIBELLA : Dire que dans deux heures, c'est le réveillon de Noël et qu'on a
nulle part
où aller. (sa voix exprime maintenant la colère) Tout ça à cause de cet
imbécile de gérant. Quel culot tout de même. Nous faire ça le soir de
Noël. Ouh ! !
Il commence à
faire froid et le vent souffle. Sibella sert son cardigan contre elle.
Charlie tient un sachet où se trouvent les provisions qu'ils avaient fait
la veille.
CHARLIE : Ca ne va pas nous empêcher de faire un bon festin.
SIBELLA : Charlie, vous savez combien de gens il y a dans la tente des sans abri.
Nous n'aurons pas assez pour tous les nourrir. Et si jamais ils voient
qu'on mange du foie gras, ils risquent de devenir agressifs.
CHARLIE : Qu'est-ce qu'on fait ? Il risque de faire froid cette nuit. On ne peut pas
rester dehors et on n'a plus assez d'argent pour se payer un hôtel.
Sibella se
contente de soupirer très fort. Elle marche sur un journal que quelqu'un
a jeté sur le trottoir. Elle n'y prête pas attention.
Soudain, le vent fait se déplier les pages et l'on voit, en grand, la
photo de Sibella et de Lacey avec un article qui porte le titre suivant :
" Le plus beau de mes Noël serait de retrouver Maman. "
30
APPARTEMENT
DE MENLEY, LE SOIR DU RÉVEILLON DE NOËL
Menley et Frank sont blottis l'un contre l'autre sur le canapé, un verre
de champagne à la main. L'ambiance est intime. On entend, en fond sonore,
un chant de Noël. Frank lève son verre.
FRANK : Joyeux Noël, chérie.
Elle lui
sourit.
MENLEY : Joyeux Noël.
FRANK : C'est bizarre, mais il y a encore quelques temps, jamais je n'aurais pensé
passer ce réveillon avec toi.
MENLEY : Moi non plus, à vrai dire.
FRANK : Dans une semaine, c'est la nouvelle année. Je crois que c'est le meilleur
moment pour faire des projets ensemble, qu'en penses-tu ?
MENLEY : Et tu suggères quoi comme projet ?
FRANK : Cette histoire de divorce avec Beth sera enfin terminée. Ce sera le moment
pour nous de prendre un vrai départ, en tant que couple, qu'est-ce que tu
en dis ?
Menley lève
son verre.
MENLEY : Je bois à ça.
31
APPARTEMENT DES LAYTON, SOIR
DU RÉVEILLON
Beth est seule. Elle regarde le sapin qu'elle a confectionné. Il n'est pas
grand, pas vraiment beau non plus. Elle a les bras croisés et soupire.
Visiblement, elle se sent seule. Elle regarde par la fenêtre. Une famille
composée de quatre enfants et des deux parents, marchent gaiement dans la
rue. Elle soupire à nouveau, puis se dirige près de la petite table où se
trouve le téléphone. Elle prend le combiné et compose un numéro. Quelques
instants plus tard, elle sourit.
BETH : Maman ! Bonsoir... comment vas-tu ?... Bien... et Papa ?... Je... je vous
appelle pour vous souhaiter un Joyeux Noël... et puis aussi pour vous dire
que... ah, tu as des invités... oui.... oui, je comprends... Passe bien le
bonjour à Cousine Kate... Oui... oui d'accord, la semaine prochaine tu
auras sans doute plus de temps... alors au revoir.
Puis elle
raccroche en soupirant de plus belle.
32
RÉCEPTION
DU CABINET BURNSTEIN
L'ascenseur s'ouvre sur Stuart. Il arrive près du bureau de Jenny et
affiche sa surprise en la voyant.
STUART : Jenny ? Mais qu'est-ce que vous faite encore ici ? Il est presque six
heures. Vous devriez déjà être en train de préparer votre repas de Noël.
JENNY : C'est Bob qui fait le repas ce soir. Et il n'aime pas m'avoir dans les
pieds quand il cuisine. De toute façon, j'avais encore quelques papiers à
classer.
STUART : Bien, mais veillez tout de même à ne pas rentrer trop tard. Votre famille
doit vous attendre.
Puis il entre
dans le bureau d'Ed.
Ce dernier est toujours dans le même état, assis devant son bureau. Il
lève la tête, le regard mauvais.
ED : Qu'est-ce que vous voulez ?
STUART : J'ai téléphoné chez vous et Brunia m'a dit que vous étiez ici.
ED : Vous venez pavoiser, c'est ça ? Ca vous réjouit de voir dans quel merdier
je suis, hein ?
STUART : Ed, écoutez. Pour une fois, arrêtez d'attaquer de cette façon. Je suis
venu parce que c'est Noël. Je voudrais qu'on fasse une trêve, pour une
fois.
Ed ne répond
pas. Stuart s'assied devant lui.
STUART : Personne n'a le droit de rester seul le soir de Noël. J'aimerais que vous
veniez passer le réveillon chez nous. Qu'on puisse, pour une fois, donner
l'impression de former une vraie famille.
ED : C'est une idée de Kelly ?
STUART : C'est une idée qu'on a eu en commun, Kelly et moi. On passera une soirée
calme et tranquille, et puis on réfléchira aussi au moyen de sauver le
Cabinet. Je n'ai pas plus envie que vous de voir notre travail réduit à
néant à cause de nos erreurs.
Il se lève.
STUART : J'ai encore des affaires à régler. Je suis à mon bureau si vous avez
besoin de moi.
Arrivé sur le
pas de la porte, et après une hésitation, Ed l'interpelle.
ED : Stuart ?
Stuart se
retourne.
ED : Merci.
Stuart a un
bref sourire avant de quitter le bureau d'Ed.
33
DEVANT L'IMMEUBLE DE GARDEN VIEW
Sibella et Charlie sont devant l'immeuble. Sibella contemple le bâtiment,
puis regarde Charlie.
SIBELLA : Ce n'est pas une bonne idée, Charlie.
CHARLIE : Voyons, Sibella... Lacey est votre fille. Elle sera heureuse de vous voir
le soir de Noël.
SIBELLA : Elle ne veut plus entendre parler de moi. Elle me l'a bien fait
comprendre.
CHARLIE : Parfois, on dit ou fait des choses qu'on regrette par la suite. Laissez
tomber votre fierté et votre ego, et allez donc l'embrasser pour lui
souhaiter un bon Noël... Cela ne vous coûte rien.
SIBELLA : Je ne supporterais pas un nouveau rejet de sa part. Pas le soir de Noël.
Allez venez.
Elle pivote
et marche d'une allure précipitée vers la rue. Il fait sombre. Charlie
reste planter là et la regarde partir.
CHARLIE :
Sibella, revenez !
Dans sa
précipitation, elle se heurte à une personne, qu'elle ne voit pas bien
dans le soir.
SIBELLA : Oh, pardon.
Puis elle
regarde mieux et voit Gil. Ce dernier affiche un grand sourire en la
voyant.
GIL : Sibella ! Mais c'est merveilleux ! Vous êtes revenue. Alors, vous avez lu
l'article.
Charlie
arrive près d'eux.
SIBELLA : Mais quel article ?
34
APPARTEMENT DES LAYTON
Beth est devant sa table, une bouteille de bourbon moitié vide devant
elle. Elle remplie son verre et fait semblant de porter un toast.
BETH
(bredouillant) : A tous les gens qui ne m'ont jamais comprise. Puissiez-vous être aussi
seuls et malheureux que moi en cette soirée sainte.
Visiblement,
elle est saoule.
35
DANS L'APPARTEMENT DE NANNE
Nanne est avec Tim. Avec un sourire, elle ouvre un paquet cadeau. Tim lui
a offert un superbe agenda pour la nouvelle année.
NANNE : Tim ! Il est vraiment superbe.
TIM : Je suis un petit peu gêné, mais avec cette histoire de meubles que je dois
récupérer, je suis un peu...
NANNE : Non, non, ne t'excuses pas. J'adore ce cadeau. Il me sera précieux pour
noter mes rendez-vous.
TIM : Il y a déjà des rendez-vous de mis.
NANNE : Comment ça ?
Elle ouvre
l'agenda et le regarde, puis sourit.
Tous les jours, il est inscrit : " Rendez-vous avec Tim ". Nanne regarde
Tim.
TIM : Je veux prendre un nouveau départ pour cette nouvelle année. J'ai fait
beaucoup d'erreurs et je suis le premier à le reconnaître. Je veux que
l'année qui vienne, et toutes les autres années, je puisse les passer
heureux avec la femme que j'aime... avec toi.
Nanne est
émue. Tim s'approche d'elle et l'embrasse tendrement.
36
APPARTEMENT DE LACEY
Elle est assise sur le canapé, un mouchoir à la main. Elle pleure sans
retenu. On sonne à la porte. Résignée, elle se lève, toujours son mouchoir
à la main. Elle va ouvrir la porte, les larmes coulant sous ses joues.
Elle se fiche bien qu'on puisse la trouver dans un tel état. C'est Gil qui
a sonné. Il la regarde avec un sourire. Mais elle soupire.
LACEY : Gil, je suis désolée, je ne suis pas d'humeur à te recevoir ce soir.
GIL : Oh, allons, Lacey. Tu ne peux pas rester seule ce soir. Pas le soir de
Noël.
Il entre s'en
en avoir été prié.
LACEY : Je te préviens, si tu veux passer la soirée avec moi, ce sera le plus
triste Noël de toute ton existence.
GIL : Je voulais passer le réveillon avec Nanne, mais elle préfère le passer
avec Tim... donc, je suis seul... donc, nous sommes deux à déprimer. Nous
allons passer une soirée entre dépressifs, c'est pas génial, ça ?
LACEY
(soupirant)
: Gil, je n'ai rien préparer pour le dîner.
GIL : Moi si.
Il va ouvrir
la porte d'entrée. Deux serveurs arrivent avec des chariots remplis de
bonne choses à manger, le tout très bien décoré. Lacey ne peut s'empêcher
de pousser une exclamation.
LACEY : Gil ! Mais il y a à manger pour tout un régiment !
GIL : Ca, c'est mon premier cadeau. Maintenant, je passe au deuxième.
LACEY
(maintenant tout sourire)
: J'ai déjà peur de découvrir de quoi il s'agit.
GIL : Je me suis permis d'inviter Menley, Frank, Nanne
(il fait la grimace) et
même cet idiot de Tim. Il n'est pas question d'être seuls, ce soir, nous
allons faire la fête.
LACEY : Gil, tu es vraiment très gentil. Vraiment, j'apprécie ce que tu fais pour
moi, mais je ne suis pas d'attaque pour recevoir des gens.
GIL : Allons, allons, pas d'histoire. Non mais qu'est-ce que c'est que ça ? Ma
meilleure amie, toujours joviale, toujours avec le mot pour rire, et qui
déprime le plus beau soir de l'année ? Non, je ne supporterai pas ça.
LACEY : Bon, ben, puisque tu as tout prévue...
GIL : Je crois que tu connais bien le dicton.
LACEY : Quoi ?
GIL : Le dicton qui dit " jamais deux sans trois ". J'ai donc un troisième
cadeau.
LACEY : Ah, non, maintenant, ça suffit avec les cadeaux.
GIL : Oh, il serait dommage que tu loupes celui-ci.
LACEY : Gil, encore une fois, tu es très gentil, mais...
GIL : Allons, allons, ne discute pas. J'ai gardé le meilleur pour la fin. Et je
suis sûr que tu vas apprécier ce cadeau là.
Il prend
Lacey par la main et elle se laisse conduire, lasse, jusqu'à la porte
d'entrée. Gil regarde Lacey et lui sourit.
GIL : Joyeux Noël, Lacey.
Puis il ouvre
la porte et Lacey tombe nez à nez avec sa mère Sibella, qui lui sourit. Émue, Lacey porte la main à sa bouche. Cette fois, les larmes qui
s'échappent de ses yeux sont des larmes d'émotion et de joie.
LACEY : Maman....
SIBELLA : Joyeux Noël, chérie.
LACEY : Maman... je...
Sibella prend
Lacey dans ses bras et la berce doucement.
SIBELLA : Chut, ne dis rien.
Derrière, on
aperçoit Charlie, qui, lui aussi ému, sourit.
37
AU CABINET BURSTEIN, DANS LE BUREAU D'ED
Stuart entrouvre la porte d'entrée du bureau. Ed est toujours derrière son
bureau.
STUART :
Ed, je m'en vais maintenant. Kelly doit nous attendre. Vous venez avec ?
ED :
C'est gentil à vous Stuart. Je vais venir. Laissez-moi encore quelques
instants, le temps de ranger mes affaires. Inutile de m'attendre, je vais
prendre ma voiture.
STUART :
Je suis content que vous ayez accepté notre invitation, alors, à tout à
l'heure.
ED
(avec un
mince sourire) :
A tout de suite.
Stuart
referme la porte du bureau d'Ed.
38
RETOUR
à L'APPARTEMENT DE LACEY
Menley, Frank, Lacey, Sibella, Charlie et Gil sont ensemble. Ils rient,
s'amusent, plaisantent. Mais nous ne les entendons pas. Nous n'entendons
que la musique de " Douce Nuit ". Lacey regarde sa mère et l'embrasse, un
verre à la main. Ils sont tous heureux.
39
À
GARDEN HILL
Toujours sur " Douce Nuit ", nous voyons Jillie qui, un verre de jus
d'orange, porte un toast avec Mlle Judical, devant un sapin de Noël. Mlle
Judical lui sourit et Jillie affiche elle aussi un sourire. La magie
de Noël opère.
40
RETOUR CHEZ LACEY
Nous revenons chez elle, toujours avec la même musique. Tim et Nanne
arrivent. Gil considère Tim d'un œil méfiant, tandis que Tim fronce les
sourcils en voyant Charlie, qui lui hausse les épaules en souriant. Tim
s'avance vers Gil et lui tend la main. Après une hésitation, Gil la lui
sert. Après tout, c'est Noël !
41
AU CABINET BURNSTEIN
Nous continuons avec la musique de " Douce Nuit ". Stuart est dans
l'ascenseur, son attache case à la main.
" Douce Nuit " nous accompagne toujours. Toujours derrière son bureau,
avec des gestes lents, Ed pousse le tiroir principal qui se trouve devant
lui. A l'intérieur du tiroir. Il y a quelques papiers,
et plus loin, un revolver.
42
DANS L'APPARTEMENT DE LACEY
La fête bat son plein, toujours sous " Douce Nuit ". Nanne embrasse Gil
sur la joue, Lacey rit de bon cœur devant une plaisanterie faite par
Frank. Charlie sert un verre à Sibella. Lacey va vers Menley et lui
murmure quelque chose à l'oreille. Menley fait la grimace, puis finalement
hoche la tête. Lacey prend le téléphone. Menley regarde Frank.
Un peu plus tard,
Lacey ouvre la porte et Beth apparaît. Elle est un peu défraîchie par
l'alcool qu'elle a bu, mais elle sourit, heureuse de ne pas être seule.
Lacey lui sert la main et la fait entrer. Sibella lui donne un toast et un
verre de champagne. Beth regarde Menley et Frank, mais, en ce soir de
Noël, on ne distingue aucune haine sur son visage, ni sur celui de Menley
et Frank. Noël fait parfois des miracles. Bien entendu, la scène se
déroule toujours sous la houlette de la musique " Douce Nuit ".
43
RETOUR AU CABINET BURSTEIN
Au parking souterrain,
Stuart, toujours son attache case à la main, se dirige tranquillement vers
sa voiture. " Douce Nuit " ne nous quitte pas.
Quelques étages plus haut, Ed prend lentement le revolver dans
sa main, puis, tout aussi lentement, le porte à sa tempe.
La caméra nous montre la porte fermée du bureau d'Ed. Sur la porte est
inscrit, en lettre d'or " Edward Burnstein, PDG ". La musique de " Douce Nuit
" s'arrête soudain, puis, cinq secondes plus tard, nous entendons la
détonation du revolver.
44
DANS LE PARKING SOUTERRAIN
Stuart est maintenant à sa voiture. Il met la clé dans la serrure de la
porte, pour entrer, et à ce moment, il entend un bruit derrière lui. Il se
retourne. Personne ne peut être encore ici à cette heure, et surtout le
soir de Noël.
Rassemblant
tout son courage, il va en direction du bruit. C'est alors qu'il voit la porte
qui mène à la sortie de secours se refermer doucement. Il cours vers la
porte et l'ouvre. Il voit, au bout du couloir, une femme qui lui tourne le
dos. Elle porte un manteau noir et un chapeau de la même couleur. Elle a
les cheveux noirs qui lui descendent en cascade sur les épaules. La
description faite par Fred, du magasin FX-SPE, lui revient en mémoire :
"Elle
m'a dit s'appeler Marie Jo. Elle était vêtue d'un longue robe noire. Elle
avait de longs cheveux noirs et d'énormes lunettes. C'est à peine si on
pouvait distinguer son visage."
Le coeur de Stuart fait un
bond. Il est persuadé se trouver à quelques mètres à peine de Marie Jo. Il
tente de réfléchir calmement à la situation : s'il l'interpelle, elle
risque de prendre peur et de se sauver. Et d'abord, si c'est effectivement
Marie Jo, que fabrique-t-elle ici à cette heure, et la veille de Noël ?
Le coeur de Stuart bat la
chamade. Marie Jo, qui n'a pas vu Stuart, sort de l'immeuble.
Discrètement, Stuart décide de la suivre. Dehors, il reste encore quelques
personnes qui flânent dans la rue. Marie Jo se dirige vers une voiture. Il
y entre et démarre. Stuart panique à l'idée de perdre la trace de cette
mystérieuse femme qui est sans doute à l'origine de tous ses problèmes. La
voiture s'arrête au feu rouge. S'il retourne au parking souterrain pour
prendre sa voiture, le feu aura eu le temps de passer au vert depuis belle
lurette. Et le destin fait bien les choses car à se même moment,
Stuart aperçoit un taxi qu'il hèle. Le taxi s'arrête et rapidement, Stuart
s'engouffre dans le véhicule.
STUART :
Suivez cette voiture !
Le chauffeur
de taxi se retourne pour le regarder.
LE CHAUFFEUR
: Eh mon gars, on n'est pas dans le dernier James Bond.
Le feux passe
au vert. Il a suffit à Stuart de sortir une liasse de billets verts pour
que le chauffeur de taxi se cale sur son siège et démarre. Le feu repasse
au rouge, mais le chauffeur, trop content d'avoir reçu de Stuart une
journée complète de salaire, fonce et grille le feu. Stuart tente de se
décontracter. Il n'a pas perdu la trace de Marie Jo.
45
UN PEU
PLUS TARD, DANS L'APPARTEMENT DE LACEY
Sibella est
en grande discussion avec Menley, qui visiblement n'a guère d'intérêt à
l'écouter. Le téléphone portable de la jeune femme sonne, soulageant
Menley qui échappe ainsi à la suite de la rocambolesque histoire que lui
raconte la mère de Lacey. Menley décroche tandis que Sibella se dirige
vers d'autres convives.
En entendant
son interlocuteur, Menley fronce les sourcils. Elle raccroche son portable
et se dirige vers Frank et Lacey, qui sont en pleine conversation.
MENLEY : Je
viens d'avoir un appel de Stuart. Il a trouvé Marie Jo.
Gil, voyant
qu'il se passe quelque chose, les rejoint.
LACEY : Où ?
MENLEY : Il
est en train de la suivre. Elle a pris une voiture et s'est arrêtée à
Great Garden. Entrée B.
FRANK : Près
du hangar désaffecté ?
Menley hoche
la tête.
MENLEY :
Qu'est-ce qu'on fait ? On ne peut pas le laisser seul avec cette folle
dans un endroit aussi désert.
Frank décide
de prendre les choses en main.
FRANK : Très
bien, je vais aller le rejoindre. Gil, tu viens avec moi. Lacey, tu
appelles la police.
MENLEY : Je
viens aussi.
FRANK : Non !
C'est beaucoup trop dangereux.
Menley défie Frank du regard.
MENLEY : J'ai
suivi cette affaire depuis le début. Je m'y suis totalement investie.
Alors je te préviens : ou bien je pars avec vous, ou bien j'y vais avec ma
voiture.
46
À
GREAT GARDEN. ENTRÉE B
Le hangar désaffecté dont parlait Frank est en fait un
ancien cinéma qui se trouve juste à côté du grand Lac de Great Garden. Le
cinéma a fermé ses portes voilà douze ans, et n'a pour l'instant pas
trouvé de nouvel acquéreur. C'est la raison pour laquelle l'endroit est
toujours désert. Les visiteurs préfèrent de loin prendre l'entrée A ou C,
qui sont plus accueillantes.
Stuart se
trouve devant l'ancien cinéma. Il y a deux minutes, il a vu Marie Jo
passer la porte d'entrée brinquebalante, munie d'une lampe torche. Que
peut-elle bien fabriquer ici ? se demande Stuart. Mais la question pour
lui n'est plus vraiment importante. L'important, c'est qu'elle est à
l'intérieur. Il va enfin pouvoir la confronter.
47
SUR LA ROUTE MENANT à GREAT GARDEN
Frank conduit
la voiture, Gil est à ses côtés et Menley, les bras croisés, se trouve à
l'arrière du véhicule. Frank lui jette un regard. Intérieurement, il
sourit. Cette femme est une véritable tête de mule. Quand elle a décidé
quelque chose, rien ne l'arrête. Au fond, il aime ça.
48
DANS L'ANCIEN
CINEMA DE GREAT GARDEN
Stuart
pénètre dans le bâtiment, le coeur battant de plus belle, avec cette
certitude qu'il va connaître toute la vérité. Une certitude qui ne le
quitte pas, mais une certitude qui lui fait mal. Quelque soit l'issue de
cette aventure, Stuart est persuadé que cela le fera souffrir. Il inspire
lentement. Marie Jo est à quelques mètres de lui. Elle lui tourne le dos
et s'avance vers un point inconnu, avec sa lampe torche à la main.
C'est le moment. L'ultime moment. Il emplit ses poumons.
STUART :
Marie Jo !!!!!
Marie Jo
s'arrête brusquement, mais ne se retourne pas. Stuart a l'impression qu'il
a la situation en main, ce qui l'encourage à poursuivre :
STUART : Ou
je devrais plutôt dire Jane. Jane Strombaski, c'est bien toi, n'est-ce pas
?
Je te tiens enfin. Tu n'arriveras pas à m'échapper maintenant. Et tu ne
vas pas t'en tirer comme ça. Pourquoi, Jane ? Pourquoi toute cette haine ?
Samantha est morte, mais je ne l'ai pas tué !
La jeune
femme ne bouge toujours pas. Stuart sent l'adrénaline monter en lui.
STUART :
Regarde-moi !
La jeune
femme lui tourne toujours le dos et ne dit rien.
STUART :
REGARDE-MOI !
La femme se
tourne enfin, lentement. Mais elle dirige la lampe torche vers le sol. De
ce fait, Stuart ne voit pas son visage. Doucement, avec la main qui lui
reste de libre, elle enlève ses lunettes et les jette à terre. Elle fait
de même avec sa perruque. Puis, lentement, elle relève la lampe torche
pour que Stuart aperçoit enfin le visage de la femme qui lui sourit
méchamment. A cet instant précis, la vie de Stuart bascule dans l'horreur
la plus totale. Il sait que plus rien ne sera comme avant. Il a
l'impression que sa vie entière est anéantie par ce sourire méchant. Il
voudrait parler, mais aucun mot ne sort de sa bouche. Il secoue la tête,
comme pour tenter d'effacer ce qu'il voit devant lui, comme pour effacer
ce sourire. Un sourire qui se transforme en un méchant rictus. Stuart
parvient enfin a parler. Le mot qu'il prononce, il a l'impression qu'il
est prononcé par quelqu'un d'autre, tant la situation est pénible. Ce mot,
c'est "Kelly".
En face de
lui, Kelly continue à sourire.
KELLY : Et
bien, mon cher Stuart, tu ne sais plus quoi dire à ta charmante petite
femme ?
STUART :
Je... mais... je... ne comprends pas ce qui se passe. Kelly, je...
KELLY
(elle se met à rire) : Un avocat qui ne
trouve pas ses mots, c'est terrible !
STUART :
Marie Jo, c'était toi ?
KELLY : Marie
Jo, Hokkri... tout ce que tu veux. Oui, c'était moi.
Stuart, dans
son esprit embrumé, pense avoir trouvé la solution.
STUART
(doucement) : Kelly, ma chérie. Tu es malade. Il faut qu'on te soigne et
tu iras beaucoup mieux.
KELLY : Donc
ça a marché !
STUART
(étonné) :
Quoi ?...
Je ne comprends rien.
KELLY : Tu
n'as jamais rien compris, mon pauvre Stuart. Tu t'es toujours posé en
victime, alors que tout est de ta faute.
Stuart porte
la main à son front.
STUART :
C'est un cauchemar !
KELLY : Le
cauchemar, c'est moi qui l'ai vécu... il y a 25 ans de cela.
STUART
(surpris) : Mais de quoi tu parles ?
Kelly
s'avance près le lui et le dépasse. Elle parvient à la porte de sortie et
lui fait signe de la suivre. Stuart s'exécute et ils se retrouvent à
l'extérieur, au bord du lac.
KELLY : Tout
à l'heure, au parking souterrain, j'ai fait exprès de faire du bruit. Je
savais que tu allais me suivre et je voulais t'emmener ici... pour que tu
te souvienne.
STUART : Mais
de quoi, Kelly ?
KELLY :
J'avais six ans à l'époque. Souviens-toi Stuart. C'était ici, près du Lac.
Ce jour-là, le cinéma était fermé. Tu te souviens pourquoi il était fermé
Stuart ?
Stuart
rassemble ses idées. Il n'est venu dans cet endroit une seule fois.
STUART :
C'était le soir du bal de promo !
KELLY :
Exact. 1976. Tu étais ici avec Samantha. Et moi, j'étais là
(elle
montre un grand chêne situé à quelques mètres),
derrière l'arbre. Et je t'ai vu te disputer avec Samantha. Je t'ai vu la
jeter à l'eau. (elle hausse la voix) Tu l'as
tué, Stuart ! Tu as tué ma soeur !!!
Stuart n'en
croit pas ses oreilles. Kelly poursuit :
KELLY : Piotr Strombaski,
le père de Jane et Samantha, était le jardinier de mes parents. Ce fameux
soir du bal de promo, j'étais à la maison, et j'ai entendu Papa et Maman
se disputer. Ils se disputaient très souvent. Mais ce soir-là était pire
que les autres soirs. Et j'ai entendu Maman dire à Papa qu'elle
entretenait une liaison avec Piotr Strombaski depuis
plusieurs années et que...
(sa voix s'éteint soudain pour devenir
un murmure) que j'étais sa fille. Papa a
frappé maman très fort et moi, je me suis enfuit. J'ai couru... couru très
vite, comme pour échapper à se cauchemar, et je me suis retrouvé ici. Je
me suis assise près du chêne et j'ai pleuré. C'est alors que toi et
Samantha êtes venus. Je ne voulais pas qu'on me voit et je me suis
cachée... J'ai vu toute la scène, Stuart.
STUART :
Kelly, ton esprit d'enfant n'a pas perçu la réalité de la situation.
J'étais très jeune à cette époque. Samantha était lesbienne et tout le
monde le savait. J'avais fait le pari avec des copains de la faire changer
de bord le soir du bal de promo. Il est vrai que j'ai été très
entreprenant avec elle... trop sans doute... elle a prit peur... Je ne
voulais pas que ça se passe comme ça. Je me suis rendu compte de la
situation dans laquelle je l'ai mise et j'ai eu honte de moi. J'ai donc
voulu calmer Samantha en voulant la prendre dans mes bras, mais elle a
pris ce geste pour autre chose et elle a paniqué. Dans la panique, elle
est tombée à l'eau... et je n'ai rien pu faire.
KELLY :
Arrête !!! Arrête de mentir Stuart. Tu l'as tué parce qu'elle ne voulait
pas se donner à toi !
STUART :
C'est faux. Je t'en prie Kelly, crois-moi !
KELLY :
Depuis ce jour, je t'ai détesté. Je me suis jurée de la venger. Et enfin
ce jour arrive.
STUART : Si
tu voulais vraiment te venger, pourquoi ne l'as-tu pas fait avant ?
KELLY : Après
le drame, en grandissant, j'ai réfléchi au moyen de te faire payer la mort
de ma soeur. Je t'ai séduite, tu m'as épousé. Une fois mariée avec toi,
j'avais tout le loisir de réfléchir à la meilleure façon de te tuer. Mais
lorsqu'un mari est assassiné, la femme est très souvent suspecte. Donc
j'ai pris tout le temps qu'il fallait pour que le cas ne se produise pas.
J'ai prétendu m'être fait enlevée pour me poser en victime. J'aurais pu
choisir des enlèvements plus "conventionnels", mais j'ai préféré
l'histoire des extra terrestres, afin que l'on me croit plus fragile. (elle rit)
Je me suis vraiment bien amusée dans ce rôle. "Pauvre Kelly"... ce rôle de
victime fragile m'a vraiment bien plu.
Priant en silence pour que
Menley ait prévenu la police, Stuart essaie de gagner du temps :
STUART : Que
faisais-tu et ou étais-tu pendant tes pseudo-enlèvements ?
KELLY : Je me
déguisais en Marie Jo et je partais, la plupart du temps à l'étranger. Et
pendant mes exiles, je réfléchissais à la suite de mon plan.
STUART : Tu
as également orchestré ta disparition dans l'appartement alors que tout
était fermé.
KELLY : J'ai
joué mon rôle à la perfection : j'ai couru à perdre haleine jusqu'à
l'appartement, l'air angoissé, au cas où quelqu'un m'aurait vu, il fallait
que ce soit réel. J'ai placé l'armoire près de la porte, et je me suis
même effondrée tant j'étais fatiguée. Ensuite, lorsque tu es arrivé, je
suis sortie par la porte fenêtre du balcon et je me suis collée contre la
corniche. Une fois que Menley et Frank partis, et toi dans la douche, je
suis revenue et me suis éclipsée doucement.
(elle rit). Tu aurais dû voir la
tête de Beth lorsqu'elle m'a retrouvée dans le local à container. C'en
était comique !
STUART : Et
Chapmann ?
KELLY : Lui
est mort pour une autre histoire. Ce type était une véritable ordure. Il a
abusé de moi lorsque j'avais seize ans. Il fallait qu'il paie. En plus, je
savais que tu allais être accusé du meurtre. En revanche, je ne savais pas
que mon père allait sans le savoir me donner un coup de pouce en
fournissant une fausse preuve.
STUART : Et
Marie Jo ? Et Hokkri ? Pourquoi les avoir inventés ?
KELLY : Marie
Jo et Hokkri étaient un alibi. Toi mort, si on aurait découvert que
c'était moi la meurtrière, je me serais fait passer pour une malade
souffrant de dédoublement de la personnalité. C'est la personnalité de
Marie Jo qui t'aurait tué et j'aurais été internée dans un hôpital
psychiatrique un certain temps, avant d'en sortir blanchie. C'était au cas
où tout tourne mal.
STUART
(songeur) :
Le crime parfait.
KELLY : Ca ma
prit du temps... des années, mais je voulais être sûre d'avoir toutes les
chances de mon côté pour ne pas être accusée du crime que je vais
commettre ce soir.
Sur ces faits, Kelly sort de
la poche de son manteau un revolver qu'elle pointe sur Stuart.
KELLY : Il
est temps maintenant de passer à la phase finale de mon plan.
Stuart continue à gagner du
temps :
STUART :
Pourquoi as-tu choisi ce moment précis pour me tuer ? Pourquoi aujourd'hui
?
KELLY : Parce
que maintenant, j'ai épuisé toutes mes ressources, mais aussi parce que
mon père va quitter le cabinet et que je ne veux pas qu'il te revienne à
toi. Surtout pas à toi. Plutôt crevée plutôt que te voir à la tête de
l'empire que mon père à construit.
Un silence, puis Kelly sourit.
KELLY : Adieu
Stuart...
STUART :
Kelly, je t'en prie... NON...
Kelly appuie sur la détente.
La détonation déchire le silence. La balle touche Stuart en pleine
poitrine. Stuart s'écroule... sa vie passe devant lui... Jane...
Samantha... Kelly... puis... le néant...
GÉNÉRIQUE DE FIN